dimanche 22 février 2015

Gwen CIX


Retour des questions du samedi, soyons fidèles!

1. Pascal Z a dit un jour une phrase éclairante: le GPS ordonne, la carte ordonne. Je n’aime pas que l’on me donne des ordres.

2. Beaucoup… un en particulier? un plus que les autres? je cherche… je dirais bien L’Île mystérieuse, qui a compté, ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’une communauté hors du monde (comme l’abbaye de Thélème), ce désir de repli mais pas tout seul, de n’être qu’avec des gens que j’aime. Mais c’est un peu faux, Les Trois Mousquetaires aussi a marqué mon enfance. (Et je me rends compte à l’instant que, justement, c’est un peu le même thème, les amis inséparables. La lecture d’enfance, comme d’après l’enfance, est un acte solitaire ; solitude dont j’ai souffert, amitié que j’ai toujours recherché sans la trouver. Lire des livres dans sa chambre close ne m’a pas suffi et je n’ai eu que ça.) Etc.

3. Dans ce jardin au début de l’automne? Pas sûr… je ne sais plus. Nostalgie des bains de soleil sur une plage où l’on sombre dans la torpeur, dans la vacuité, dans le rêve.

4. Oui, que je regrette après. Oui, et pendant, au moment présent. Je sais que je ne devrais pas mais c’est plus fort que moi. “Bouder”, encore que ce n’est pas le mot exact (mais je n’en trouve pas d’autre), je ne devrais pas, mais je ne peux pas faire autrement, comprenez-vous? aidez-moi! aidez-moi à m’en sortir, à me sortir de moi-même, je ne peux pas, je m’enfonce. Je sais que je ne devrais pas. “C’est plus fort que moi” est l’expression juste.

5. Je suis très modérément passionné par les glaces quelle que soit la saison. Quant au Colonel, c’est exquis en toute saison.

6. Macramé ou bricolage, pas pour moi.

7. Oui, je me souviens. Le cochon d’Inde de mon fils s’appelait Batman. Il disparaissait dans le jardin et on le perdait régulièrement. Aux heures chaudes de l'été j’avais posé le dessus de sa cage sur lui pendant qu’il broutait un carré d’herbe. On l’a oublié, le soleil a tourné. On l’a retrouvé tout chaud, tout haletant. Ma femme l’a enveloppé d’un linge humide, et il est mort doucement sur ses genoux.

8. Ce serait un grand plaisir, hélas, la plupart du temps ils sont si peu confortables. Est-ce aussi, comme pour les bancs verticaux du métro, pour que les sdf ne s’y attardent pas?

9. Je ne m’ennuie pas, je ne peux pas dire que je m’ennuie, mais il y a des attentes (des espoirs qui n’arrivent pas) intolérables.

10. Oui, je crois qu’il s’agit d’une règle qui ne supporte aucune exception : pourquoi faire simple ce qui peut-être compliqué, complexifié, embrouillé à l’excès?








jeudi 19 février 2015

Dans une eau stagnante


Rêve.
D’abord le contexte. Il y a quelques jours j’ai eu Daniel au téléphone. Daniel a subi un infarctus en octobre. Daniel ne sait pas nager. Daniel était un des meilleurs amis de Rémi, le garçon que j’ai “sauvé” de la noyade autrefois, épisode que j’ai raconté dans une des “réponses” à Gwendoline. (Ces informations pour les interprétations — si ça vous amuse.)

Je suis assis sur une plage grise au bord d’une mer grise, sans vagues, étale. Daniel marche dans l’eau, il a de l’eau jusqu’aux genoux, puis il a de l’eau jusqu’au ventre et semble faire des efforts pour rejoindre la rive. Je me lève, je vais le chercher. Je lui prends la main, et nous marchons dans l’eau en silence vers le rivage, mais à chaque fois que je lève les yeux, nous sommes plus éloignés de celui-ci. L’eau est calme, on ne sent pas de courant qui nous entraîne au large et cependant il nous est impossible de sortir de cette étendue d’eau.


mardi 17 février 2015

La routine


Il y a les deux agents immobiliers d’Angers, dont l’ancien coureur cycliste, il y a le notaire d’Angers et le notaire de Chartres, à propos, Maître, dans la foulée, mon testament, mon exécutrice testamentaire? il y a les deux clercs du notaire de Chartres, tantôt l’une tantôt l’autre, qui part au ski, qui en revient, avec une entorse, il y a Gan Vie et sa faramineuse assurance, ne débloquez pas les fonds vous allez toucher x% cette année, on se croirait à cetelem, il y a la très jolie veuve de Chatou, tu aurais mieux fait de l’épouser, et son notaire du 16e arrondissement, j’ai fait une procuration, pas fou, je ne l’aurais jamais vue, pas de regret, il y a la caisse d’épargne, Monsieur, ce n’est pas le moment d’essayer de me vendre des produits dérivés père de famille vu mon âge, il y a mes frères et il y a moi un peu saoulé; et tout ce petit monde s’envoient des mails à tire-larigot, au petit bonheur d’internet, et je te le balance par-ci, raté, ça devait être à quelqu’un d’autre, et je te convoque par là, manqué, celui-là n’était pas concerné, et je veux la photocopie de la taxe foncière de 2013, ah, excusez, cordialement, ce n’était pas à vous que je demandais, et il y a le voyage en Limousin, je ne vais pas m’en priver parce que c’est pile le jour de la vente, reportez! reportez!, sur les pas de La Fontaine en plus, j’aurais bien aimé que V vienne, là-dessus, on me cède les rideaux ou on ne me les cède pas? à quel prix? ma bonne dame vous n’allez rien en faire et vous ne voudriez pas que je me balade à poil devant ma fenêtre pendant des années devant vos anciens voisins d’en face? ah non, pas votre frigo, l’autre fois vous aviez dit qu’il était pourri et aujourd’hui vous voulez me le vendre? bref, pas grave, on signera la vente, ou l’achat, sans moi, je fais une procuration et je file à Saint-Benoît ou à Gjesvaer.


dimanche 15 février 2015

Purée de pois


Un footballeur qui reçoit un « carton jaune » est un type qui ne sait pas jouer au football.

Boulimie: trois films à la suite.

On n’a pas le droit de reprocher à quelqu’un de ne pas faire votre bonheur.

Si je meurs un jour, ce sera d’une maladie psychosomatique.





samedi 14 février 2015

Gwen CVIII


Les petites questions du samedi…
(Cette semaine je réponds vite.)

1. Je n’ai pas de lauriers.

2. Non. J’ai comme l’impression que ça fait beaucoup de bruit ces machines.
 
3. Excellente question! Est-ce que j’achèterai un paillasson? Quelle couleur? Quelle forme? Avec des chatons dessinés dessus? Ou alors un slogan, un proverbe, une maxime latine?…

4. Le matin au réveil. Moment court, faut pas le manquer!

5. Oui, très curieux, et un peu triste qu’il y en ait si peu. J’aurais aimé quelque chose comme une chaîne, qui soit reprise indéfiniment. J’adore toutes les questions.

6. Il n’y avait pas beaucoup de rituels chez mes parents. Je voudrais bien mais comment faire? Il faut les occasions. On reproduit ce genre de choses inconsciemment.

7. Oui. Je vais arrêter. On ne me comprend pas, on croit que… Et puis, je crois qu’il vaut mieux. Ces “jeux” de langage, ça vous pourrit les conversations.

8. Oui. ou plutôt par étapes. J’avais même fait un calendrier des cycles de ma vie. J’attends une petite année pour le compléter. Quel sera le dernier? Le dernier commence-t-il en 2015?

9. Pas de musique à table, sauf si les hôtes sont vraiment importuns (dans ce cas on met la télé, ça fait passer le dîner). La douce musique de la voix des invités aimés suffira.

10. C’est compliqué… ou : “Si j’avais su” ?… C’est tellement courant depuis le commencement du monde…







Sondages d’opinion


Texte trouvé sur un commentaire facebook au printemps 2014. (Je ne sais si je peux mettre le nom de l'auteur.) Ce commentaire était déjà un commentaire, une traduction, d'un lien ukrainien.

«Les événements d’Ukraine vus par les dirigeants de l’Institut International de Sociologie de Kiev (source Radio Svoboda, l'ancienne Radio Free Europe). Lien signalé par le Centre Levada de Moscou, ce qui est une garantie de crédibilité. Points marquants :
— 77% des Ukrainiens de l’est opposés à l’occupation armée des bâtiments administratifs, et 70% à l’annexion de la Crimée; 10% environ de soutien aux séparatistes. Ceux-ci sont au plus bas à Odessa, Nikolaïev, Kherson.
— Crimée: 18% voulaient le rattachement à la Russie il y a un an, la propagande de Yanoukovitch a fait monter ce taux à 40% en février; ensuite la télévision ukrainienne a été bloquée, le pourcentage a dû monter à 65% sous l’effet de la propagande russe, ce qui correspond sans doute aussi au chiffre réel du référendum.
— Un quart environ de la population ukrainienne se considère comme bi-ethnique (russe / ukrainien)
— Désintérêt complet des gouvernants pour la prise en compte des études d’opinion dans l’élaboration des politiques (ce que montre la loi malencontreuse sur le statut de la langue russe).
— Mesuré conjointement avec le Centre Levada: 66% des Russes pensent que les droits de Ukrainiens de l’Est sont lésés, alors que seulement 23% chez les intéressés (questions identiques).
— La demande de l’opinion ukrainienne, c’est plus de sécurité politique et économique. La question linguistique, la fédéralisation… ne font pas recette. La première demande des habitants de Donetsk, c’est que le gouvernement les protège.
— L’Ukraine dans son ensemble est pour le rapprochement avec l’UE, sauf la région de Donetsk qui privilégie l’Union Douanière (72,5% à Donetsk même).
— Poids réel de Svoboda (l’extrême droite): 3% ; menace surévaluée par la population de l’Est plus perméable à la propagande russe. Mais celle-ci contribue aussi à renforcer l’unité ukrainienne (26% des habitants de l’Est, hors oblasts de Donetsk et Lougansk pour le rattachement à la Russie en Février, contre 8% en Avril).»


Quant à l’opinion des habitants de la Crimée en 2013:





Faisons le ménage



Elles n’étaient pas trop d’accord avec le mariage pour tous. Qu’avaient-elles à vouloir empêcher l’accouchement d’une société où il n’y a plus de place pour elles?
Si vous voulez torpiller les superstitions des vieilles dames qui vivent en maison de retraite, bâillonner les momeries de celles qui vivent seules chez elles, immobilisées dans un fauteuil, collées devant leur télé le dimanche matin, si vous voulez tuer leur âme (qui n’existe pas), faire disparaître leur monde avant qu’elles meurent, signez la pétition.
Écrasons l’infâme!



mercredi 11 février 2015

Moyens d’information



Je me souviens.
Dans les années soixante-dix mon cousin vivait retiré dans un village. Il était abonné à Charlie-Hebdo. Son père, narquois, lui reprochait de n’avoir que cette lecture pour être informé de tout ce qui se passait dans le monde. Il trouvait que c’était un peu léger…

«Lisons donc les journaux, mais dans le même esprit où nous lirions aujourd’hui des journaux d’il y a cinquante ans, en nous souvenant qu’un homme qui reste six semaines sans ouvrir un journal, loin que sa valeur humaine en pâtisse en quoi que ce soit, c’est là une véritable cure pour son imagination et son intelligence.»
Montherlant

«Quand je veux savoir les dernières nouvelles, je lis Saint Paul.»
Bloy



mardi 10 février 2015

Cruauté d’internet


C’est par le maudit site du PI que j’arrive au nom de Thomas (Toivi) Blatt, donc à Sobibor. Un extrait (mais de quel livre? encore une fois râlons après l’imprécision de ces journalistes et de wikipedia) a paru en français dans un volume collectif intitulé Les Révoltés de la Shoah. Mais son livre, From the Ashes of Sobibor: A Story of Survival, n’a pas été traduit en français. Je trouve quelques liens, notamment un entretien paru en 2010 dans L’Express, d’où j’extrais notamment ceci:

«La pertinence des trois phases de l'opération et leur bonne exécution : la préparation de groupes d'assaut (15 h 30-16 heures), l'élimination des nazis (16 heures-17 heures) et, à partir de 17 h 30, l'évasion en masse. Le 14 octobre 1943, il y avait un grand soleil, la journée était chaude. Tout se passa comme prévu: l'attaque de l'armurerie et le vol des armes, la liquidation, à coups de hache et de poignard, des nazis venus essayer des uniformes et des bottes chez le tailleur et le cordonnier — un Allemand fut tué toutes les six minutes — l'arrachage des barbelés, les planches jetées par-dessus les clôtures, ou ce qui en restait, pour faire sauter les mines... et l'évasion, tout cela sous les rafales de tirs automatiques.»

Le 14 octobre 1943 est-ce que la mère et la sœur de madame Elion étaient déjà mortes ? «À cette époque Sobibor reçoit 19 convois déportant 35 000 Juifs venu des Pays-Bas (entre mars et juillet 1943).»

Internet est cruel: le site créé par Thomas Blattt (né en 27) n’existe plus, il est à vendre, on nous informe qu’il y a deux hôtel à Sobibor.





 

Situation renversée II : le Stagirite et l’Aquinate


Parallèle biscornu : de même que nous pouvons lire le Celse grâce à Origène (sans cet adversaire chrétien de Celse, nous n’aurions pas Contre les chrétiens), je puis lire un peu sur la scolastique grâce à Rougier (sans cet adversaire de ladite scolastique, je n’aurai pas su débusquer un résumé somme toute fort clair). Cela est court, cela me suffit, car comment se dépatouiller des substances, des essences, des universaux, quand on a la tête si peu philosophique que moi, et le manque de vocabulaire, et il faudrait des années d’études, force lectures pour décrypter un tout petit peu un millénaire de méditations et d’approfondissements, de sueurs qui dégouttent sur les manuscrits dans les scriptoria, de latin, de bas-latin, de grec.

Sans compter que:

«L’histoire est cumulative — et ces dernières années elle tend à l’emballement: le médiéviste ne peut plus maîtriser les informations qu’apportent les chercheurs» (Alain de Libera).


Situation renversée I : d’un procès à l’autre



«L’accusé n’a qu’un vocabulaire de trente à trente-cinq mots, pas plus. […] Le président, l’avocat général, le procureur, etc., ont, pour s’exprimer, des milliers de mots.»
«Nous verrons cependant plus loin qu’en déplaçant un petit pronom, ou en mettant au pluriel ce qui est au singulier, on anéantit complètement une phrase accusatrice et terrible. Et je le répète: c’est un procès de mots; il n’y a aucune preuve matérielle, dans un sens ou dans l’autre; il n’y a que des mots»
Giono, Notes sur l’affaire Dominici



Avant tout, la formule désormais obligatoire si l’on ne veut pas être soupçonné du pire : «Je précise que ne souscris pas, etc.»



C’est l’article de Jérome Dupuis sur le procès de RC qui m’a fait relire ce texte de Giono. Entre parenthèses, Barthes a aussi écrit — une “mythologie” —  sur l'affaire Dominici (mais mon Barthes est dans les caisses). Dans cet article le journaliste de L’Express emploie l’expression “dialogue de sourds”. 
Soixante ans plus tard on se trouve dans un renversement de situation: aujourd’hui ce sont les juges qui possèdent cinquante mots: comment voulez-vous qu’ils comprennent la langue de l’accusé?

Et il y a toujours cette diablerie de non-commutativité, qui semble désormais difficile à faire comprendre aux meilleurs esprits : “les voyous sont des roux” ne veut pas dire “les roux sont des voyous”.


Je répète la phrase apotropaïque : «Je précise que ne souscris pas, etc.»

Sinon, autre procès. Histoire de mœurs. (Si on cherche à comprendre cet animal incompréhensible qu'est l'être humain, si l'on veut en savoir un peu plus sur nos semblables, nos frères, sur ce qu'il y a au fond de l’«homme nu» (comme disait Simenon), ces articles de blog (à lire à l’envers, je mets le premier en lien) sont passionnants.


dimanche 8 février 2015

Gwen CVII


Dimanche: obéissant, on répond:


1. J’en ai eu… mais à chaque fois ils comprenaient si mal le dossier, ils avaient si peu travaillé, je me demande si la prochaine fois je ne me défendrai pas tout seul, ce qui est fortement déconseillé. Mais il n’y aura pas de prochaine fois.

2. Non. Ou plutôt, je n’en ai jamais vu de bons. En avez-vous à me conseiller?

3. Non. Ou plutôt, oui mais ce ne sont pas les bonnes. J’aimais tellement que des amis arrivent à l’improviste, mais c’était quand nous étions jeunes. Plus tard ils téléphonaient avant de passer. Puis, encore plus tard, ils ne sont plus venus qu’avec une invitation en bonne et due forme. J’ai essayé de dire: «Je ne vous invite pas, car vous êtes toujours invités, vous venez quand vous voulez, n’importe quel jour, à n’importe quelle heure.» Résultat, je ne vois plus personne.

4. «T’as vu ma photo sur facebook?» Ou bien: «Je lirai le tome 3 des œuvres de Machin dans l’édition à la couverture rouge, vous voyez ce que je veux dire?»

5. Je suis nul en métaphore. Par exemple. Lien. Non pas de lien. Je croyais qu’il était sur le blog mais non. Tiens donc, je vais le mettre.

6. Oui, je n’ai pas peur des voleurs, mais des importuns.

7. Ça fait longtemps. je ne pense pas à en acheter. On nous a tellement rabâché que ce n’était pas bon pour la santé… Et puis ce n’est pas sur mon circuit dans les rayons du supermarché.

8. Oui. Genre dictateur. Je serai très bon.

9. Oui. Je suis persuadé que beaucoup de choses sont à la fois vraies et pas vraies. La mécanique quantique et la bathmologie nous ont appris ça, que l’expérience courante nous confirme tous les jours.

10. Non, c’est un de mes plus grands regrets. J’aurais tellement aimé…







La lecture du jour


«Job prit la parole et dit: Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre.
Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye,
depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance.
À peine couché, je me dis: “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas: je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube.
Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil.
Souviens-toi, Seigneur: ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur.»

 

jeudi 5 février 2015

Crac !


Je peux à peine me lever du canapé où je lis Balzac. J’ai mis une chaise pour me soulever. Je me retourne sur le côté, je redresse lentement mon corps, j’attrape le dos de la chaise avec une main, je pose mon autre main à plat sur l’assise, et c’est alors que cela devient difficile. Je pousse avec ce bras, je tire avec l’autre. Il y a un passage périlleux entre deux positions du dos. Un dixième de seconde de douleur intense. Je marche très droit, penché en arrière et je n’ai presque pas mal, ou plié en deux, bossu, les bras en avant comme les singes. J’ai attaché mes chaussures allongé sur le dos, si j'étais plus souple je rapprocherais plus facilement mes doigts de mes lacets. Ici, à l’ordinateur, ça va, je m’aide des bras du fauteuil pour m'en extirper. Comment pisser: il faut que je me penche pour soulever le couvercle, puis pour tirer la chasse, la paume d’une main plaquée contre la cloison, et avec ça l’art de me tenir immobile dans la position adéquate pendant que j’urine. Je n’ai pas encore fait caca.
(La vieillesse est un naufrage.)
(Ça ira mieux demain.)


Journal ?


1. J’ai pendant 365 jours recopié ici des extraits de mes journaux qui sont saisis sur ordinateur. De 1971 à nos jours.

2. Puis, ce fut une aubaine, sont arrivées les mille et une questions de Gwendoline qui ont comblé mes jours de la fin d’automne jusqu’à aujourd’hui

3. J’envisage dorénavant de mettre en ligne des extraits de mon journal au jour le jour. Des extraits, toujours des extraits, car il y a la rage de tout dire, ou plutôt la rage de ne pas pouvoir tout dire. Et puis, “Moi, moi, moi”, c’est toujours la honte… Je n’ose pas, je ne sais pas, je ne veux pas… qu’est-ce que je fais ? “Moi, moi, moi”, l’obscène.

Bref…

Je note:
Le 3 février à 19:45, très exactement:
le choc, un grand choc,
un heureux choc,
toute chose seront sues, sibyllines mais je les dirai en clair, ici, quand j'en saurai plus, quand ce sera avancé, ou quand cela aura avorté,
mais ne pas vendre la peau de l’ours,
(et jouer serré),
comment fait-il celui-là, sur lequel tombe le tonnerre, et qui continue à vaquer?
ça je ne sais pas le faire,
on me dit un mot, on me fait un signe, ou l’on fait silence, et personne ne se rend compte, on passe son chemin, on oublie, on ne sait même plus quel silence on a utilisé, on va faire sa popote dans la cuisine, et je rumine ce mot des jours et des jours, et dix ans après ce signe ou cette absence de signe sera toujours là, au fond de la gorge, et l’autre le bec en l’air, naïf, les yeux écarquillés: moi? j’ai dit ça?
Toutes choses seront dévoilées, mais à la limite seulement à la fin du monde. C’est un peu long comme attente.

Ce matin à deux heures, je me réveille avec cette phrase:
“Cette vie est forte en vinaigre, on n’a même pas le droit d’aimer qui on veut.”








mercredi 4 février 2015

D’un siècle à l’autre



«A year previous [1916] a Russian Cossack patrol from General Baratoff’s force, then at Kermanshah, had reach our lines at Ali Gharbi ont the Tigris after a daring ride of 200 miles through the mountains of Pusht-i-kuh. They were naturally welcomed by us […] the first meeting of British and Russian troops, as allies on the field, for 100 years»


mardi 3 février 2015

La paix pour toujours


«Our job was to inspect the first beginnings of the land survey, the agrarian settlement which lies at the root of all tribal problems—a gigantic task it’s going to be, but if we get it done right it will mean agrarian peace for ever and a day.»
Gertrude Bell, Bagdad, 14 février 1915

 

En effeuillant le tome IV (II, les femmes)


Suite de la page précédente


«Je me demande comment une femme peut dompter le monde?
— Il y a deux manières: être madame de Staël, ou posséder deux cent mille francs de rentes!» (757)

«Pour eux, toutes, depuis la reine de France jusqu’à la modiste, sont essentiellement libertines, coquines, assassines, voire même un peu friponnes, foncièrement menteuses, et incapables de penser à autre chose qu’à des bagatelles.» (835)

«C’est tout à la fois une lumière qui éclaire les ténèbres de l’avenir, un pressentiment des jouissances pures de l’amour partagé, la certitude de se comprendre l’un et l’autre. C’est surtout comme une touche habile et forte faite par une main de maître sur le clavier des sens. Le regard est fasciné par une irrésistible attraction, le coeur est ému, les mélodies du bonheur retentissent dans l’âme et aux oreilles, une voix crie: — “C’est lui.”» (843)

«Elle ne commit pas la sottise de se déprécier, elle mit bravement toutes voiles dehors, arbora tous ses pavillons, se posa comme la reine d’Alençon et vanta ses confitures.» (902)

«Les femmes se demandaient comment la jeune étourdie était devenue, en une seule toilette, la séraphique beauté voilée qui semblait, suivant une expression à la mode, avoir une âme blanche comme la dernière tombée de neige sur la plus haute des Alpes, comment elle avait si promptement résolu le problème jésuitique de si bien montrer une gorge plus blanche que son âme en la cachant sous la gaze ; comment elle pouvait être si immatérielle en coulant son regard d’une façon si assassine. Elle avait l’air de promettre mille voluptés par ce coup d’œil presque lascif quand, par un soupir ascétique plein d’espérance pour une meilleure vie, sa bouche paraissait dire qu’elle n’en réaliserait aucune.» (1016)

«Parmi les organisations diverses que les physiologistes ont remarquées chez les femmes, il en est une qui a je ne sais quoi de terrible, qui comporte une vigueur d’âme, une lucidité d’aperçus, une promptitude de décision, une insouciance, ou plutôt un parti pris sur certaines choses dont s’effraierait un homme. Ces facultés sont cachées sous les dehors de la faiblesse la plus gracieuse. Ces femmes, seules entre les femmes, offrent la réunion ou plutôt le combat de deux êtres que Buffon ne reconnaissait existants que chez l’homme. Les autres femmes sont entièrement femmes ; elles sont entièrement tendres, entièrement mères, entièrement dévouées, entièrement nulles ou ennuyeuses ; leurs nerfs sont d’accord avec leur sang et le sang avec leur tête ; mais les femmes comme la duchesse peuvent arriver à tout ce que la sensibilité a de plus élevé, et faire preuve de la plus égoïste insensibilité.» (1036)

«À toutes les fantaisies des femmes, les gens habiles doivent d’abord dire oui, et leur suggérer les motifs du non en leur laissant l’exercice de leur droit de changer à l’infini leurs idées, leurs résolutions et leurs sentiments.» (1039)


En effeuillant le tome IV (I)


Le tome IV de la Pléiade.
De toute façon tout est là: Faire une recherche google: «Balzac Chicago»: On arrive sur le site “Ville de Paris”: Puis en haut à gauche
 

«Tours, une des villes les moins littéraires de France…» (182)

«En Touraine, la jalousie forme, comme dans la plupart des provinces, le fond de la langue.» (216)

Le caractère tourangeau : «Cela tient à ce climat paisible, à un air qui énerve, à une nourriture plantureuse, à une absence de toute ambition, qui vous émondent le corps et l’âme des inclinations vicieuses, des passions brutales, malheur des grandes cités.» (1196)

«C’était le combat du peuple et du sénat romain dans une taupinière, ou une tempête dans un verre d’eau, comme l’a dit Montesquieu en parlant de la république de Saint-Marin dont les charges publiques ne duraient qu’un jour, tant la tyrannie y était facile à saisir. Mais cette tempête développait néanmoins dans les âmes autant de passions qu’il en aurait fallu pour diriger les plus grands intérêts sociaux. N’est-ce pas une erreur de croire que le temps ne soit rapide que pour les coeurs en proie aux vastes projets qui troublent la vie et la font bouillonner. Les heures de l’abbé Troubert coulaient aussi animées, s’enfuyaient chargées de pensées tout aussi soucieuses, étaient ridées par des désespoirs et des espérances aussi profondes que pouvaient l’être les heures cruelles de l’ambitieux, du joueur et de l’amant. Dieu seul est dans le secret de l’énergie que nous coûtent les triomphes occultement remportés sur les hommes, sur les choses et sur nous-mêmes. Si nous ne savons pas toujours où nous allons, nous connaissons bien les fatigues du voyage.» (228)

«Chez l’homme le plus brute, l’air de la patrie et la vue d’une mère produisent toujours un certain effet, surtout après un voyage plein de misères.» (303)

«… à New-York, pays où la spéculation et l’individualisme sont portés au plus haut degré, où la brutalité des intérêts arrive au cynisme, où l’homme, essentiellement isolé, se voit contraint de marcher dans sa force et de se faire à chaque instant juge dans sa propre cause, où la politesse n’existe pas ; enfin, les moindres événements de ce voyage avaient développé chez Philippe les mauvais penchants du soudard : il était devenu brutal, buveur, fumeur, personnel, impoli ; la misère et les souffrances physiques l’avaient dépravé.» (303)

«L’histoire de l’Aquitaine, qui n’a pas été faite par les Bénédictins, ne se fera sans doute point, car il n’y a plus de Bénédictins.» (359)

«la phase la plus brillante et la plus complète de la passion, à cette période où l'on s'est habitué parfaitement l'un à l'autre, et où néanmoins l'amour conserve de la saveur. On se connaît, mais on ne s'est pas encore compris, on n'a pas repassé dans les mêmes plis de l'âme, on ne s'est pas étudié de manière à savoir, comme plus tard, la pensée, les paroles, le geste à propos des plus grands comme des plus petits événements. On est dans l'enchantement, il n'y a pas eu de collision, de divergences d'opinions, de regards indifférents. Les âmes vont à tout propos du même côté.» (752)

«Tous deux blottis dans leur idée, caparaçonnés d'indifférence, attendaient le moment où quelque hasard leur livrerait cette vieille fille. Ainsi, quand même ces deux célibataires n'auraient pas été séparés par toute la distance que mettaient entre eux les systèmes desquels ils offraient une vivante expression, leur rivalité en eût encore fait deux ennemis. Les époques déteignent sur les hommes qui les traversent. Ces deux personnages prouvaient la vérité de cet axiome par l'opposition des teintes historiques empreintes dans leurs physionomies, dans leurs discours, leurs idées, leurs costumes. L'un, abrupte, énergique, à manières larges et saccadées, à parole brève et rude, noir de ton, de chevelure, de regard, terrible en apparence, impuissant en réalité comme une insurrection, représentait bien la République. L'autre, doux et poli, élégant, soigné, atteignant à son but par les lents mais infaillibles moyens de la diplomatie, fidèle au goût, était une image de l'ancienne courtisanerie.» (830)

«La France sait que le système politique suivi par Napoléon eut pour résultat de faire beaucoup de veuves.» (854)

«Alençon est très gai, reprit la vieille fille une fois lancée. On s'y amuse beaucoup, le receveur général donne des bals, le préfet est un homme aimable, Mgr l'évêque nous honore quelquefois de sa visite...» (901)

«Le lendemain, pendant toute la matinée, les moindres circonstances de cette comédie couraient dans toutes les maisons d'Alençon, et, disons-le à la honte de cette ville, elles y causaient un rire universel.» (905)

«Lorsque l'âme et l'imagination ont agrandi le malheur, en ont fait un fardeau trop lourd pour les épaules et pour le front ; quand une espérance long-temps caressée, dont les réalisations apaiseraient le vautour ardent qui ronge le coeur, vient à manquer, et que l'homme n'a foi ni en lui malgré ses forces, ni en Dieu malgré sa puissance, alors il se brise.» (911)

«Quand cette histoire n'aurait d'autre effet que d'inspirer aux possesseurs de quelques reliques adorées une sainte peur, et les faire recourir à un codicille pour statuer immédiatement sur le sort de ces précieux souvenirs d'un bonheur qui n'est plus en les léguant à des mains fraternelles, elle aurait rendu d'énormes services à la portion chevaleresque et amoureuse du public…» (935)

«Si le retour exact et journalier des mêmes pas dans un même sentier n’est pas le bonheur, il le joue si bien que les gens amenés par les orages d’une vie agitée à réfléchir sur les bienfaits du calme diront que là était le bonheur»

«… il avait vu sur-le-champ que le moyen de ne rien obtenir était de demander quelque chose.» (1009)

«Il prit un petit appartement dans la rue du Bac…» (1009)

« Quoi ! monsieur, vous ne pardonneriez pas, vous n'êtes donc pas chrétien ? dit madame du Croisier.
— Je pardonne comme Dieu pardonne, madame, à des conditions.» (1055)


Ne pas faire catleya


«Il n’y a plus que les femmes de province qui portent des robes d’organdi, la seule étoffe dont le chiffonnage ne peut pas s’effacer…»
La Muse du département


Chercher ici occurrences du mot “organdi”.


Balzac, province, femmes



«Comment, demanda Lousteau le mystificateur, une femme aussi belle que vous l’êtes et qui paraît si supérieure, a-t-elle pu rester en province? Comment faites-vous pour résister à cette vie?

Ah! voilà, dit la châtelaine on n’y résiste pas. Un profond désespoir ou une stupide résignation, ou l’un ou l’autre, il n’y a pas de choix, tel est le tuf sur lequel repose notre existence et où s’arrêtent mille pensées stagnantes qui, sans féconder le terrain, y nourrissent les fleurs étiolées de nos âmes désertes. Ne croyez pas à l’insouciance! L’insouciance tient au désespoir ou à la résignation, chaque femme s’adonne alors à ce qui, selon son caractère, lui paraît un plaisir. Quelques-unes se jettent dans les confitures et dans les lessives, dans l’économie domestique, dans les plaisirs ruraux de la vendange ou de la moisson, dans la conservation des fruits, dans la broderie des fichus, dans les soins de la maternité, dans les intrigues de petite ville. D’autres tracassent un piano inamovible qui sonne comme un chaudron au bout de la septième année, et qui finit ses jours, asthmatique, au château d’Anzy. Quelques dévotes s’entretiennent des différents crus de la parole de Dieu: l’on compare l’abbé Fritaud à l’abbé Guinard. On joue aux cartes le soir, on danse pendant douze années avec les mêmes personnes, dans les mêmes salons, aux mêmes époques. Cette belle vie est entremêlée de promenades solennelles sur le Mail, de visites d’étiquette entre femmes qui vous demandent où vous achetez vos étoffes. La conversation est bornée au sud de l’intelligence par les observations sur les intrigues cachées au fond de l’eau dormante de la vie de province, au nord par les mariages sur le tapis, à l’ouest par les jalousies, à l’est par les petits mots piquants. Aussi le voyez-vous? dit-elle en se posant, une femme a des rides à vingt-neuf ans, dix ans avant le temps fixé par les ordonnances du docteur Bianchon, elle se couperose aussi très-promptement, et jaunit comme un coing quand elle doit jaunir, nous en connaissons qui verdissent. Quand nous en arrivons là, nous voulons justifier notre état normal. Nous attaquons alors de nos dents acérées comme des dents de mulot, les terribles passions de Paris. Nous avons ici des puritaines à contre-cœur qui déchirent les dentelles de la coquetterie et rongent la poésie de vos beautés parisiennes, qui entament le bonheur d’autrui en vantant leurs noix et leur lard rances, en exaltant leur trou de souris économe, les couleurs grises et les parfums monastiques de notre belle vie sancerroise.»

La Muse du département 

 


lundi 2 février 2015

Deux mots



Vocabulaire balzacien

«… ces petites querelles qui servaient d'émonctoire à ses acrimonies… »

«Les femmes de province que j'ai vues à Paris, dit Lousteau, étaient en effet assez enleveuses…
— Dam! elles sont curieuses, fit la châtelaine…»

J’adore ce mot, j’essaierai de le replacer. Ce ne doit pas être difficile de trouver quelque amie à qui ce qualificatif conviendrait.



dimanche 1 février 2015

Apparition d’un nouveau personnage




«However, I’m a monster of ingratitude to complain, for I have had a very interesting ten days and enjoyed them. Mr. Philby (Acting Reserve Commission) and I left Basrah on his launch on the 22nd, got up to Qurnah in the evening and spent the night with the A.P.O. We were off early next day and went up to Qulat Salih—il was a delicious warm day and the river was delightful. I don’t know why it should be as attractive as it is. The elements of the scene are extremely simple, but the combination still makes a wonderfully attractive result. Yet there’s really nothing—flat, far-stretching plain coming down to the river’s edge, thorn covered, water-covered in the flood in the lower reaches, a little wheat and millet stubble in the base fields, an occasional village of reed-built houses and the beautiful river craft, majestic on noble sails or skimming on clumsy paddles. The river bends and winds, curves back on itself almost and you have the curious apparition of a fleet of white sails rising out of the thorny waste, now on side of you, now the other. And by these you mark where your cruise must be where the river divides wilderness from wilderness. We passed Ezra’s Tomb and its clump of palms and got out to look at it. There’s a very ancient tradition which is probably true, that the prophet is buried here, but the actual shrine is new.»
Gertrude Bell, 1er janvier 1917 


Découverte sur internet, le volume 1 avec photos,
et le volume 2.
Je n'ai pas le volume 3, mais il semblerait qu'il n’ait jamais paru.
Mais on a tout , avec ses photos. 




Gwen CVI


Premier dimanche ordinaire. Dimanche c'est le jour des questions.
(Cent-sixième série. À la deux-centième, je reprendrai toute la série sans lire ce que deux ans avant j'avais écrit.)


1. Non. Elle est morte. Ou alors, écoutez… j’ai une histoire proche, mais pas précisément un amour de jeunesse, par exactement le même thème; je répondrai en message privé.

2. Il y a en ce lieu plusieurs endroits avec force boîtes de médicaments, la plupart d’utilité très hypothétique, tous périmés. Mais j’ai une table de chevet avec mes petits médicaments, qui ressemble de plus en plus à la table de chevet de la tante Léonie à Combray.

3. Oui. C’était bien. Avec ma fille et mon gendre. C’est un très bon souvenir. Mais comme je suis de plus en plus incapable de faire quoi que ce soit tout seul, que le seul plaisir de la salle de sport c’était d’être avec eux, j’ai abandonné quand ils sont partis.

4. Oui. Oui, absolument. J’ai atteint l’âge de ça. C’est-à-dire que je pense qu’il y a des êtres et il pourrait y avoir des causes qui valent plus que ma vie.

5. Non. Je ne me pose pas la question. Cela va de soi. (J’ai raté ma vie.)

6. Je n’y suis pas allé.

7. Non.

8. Non. Je viens d’essayer à l’instant: elles ne craquent plus. Bizarre… Effet de la vieillesse? Est-ce que normalement les articulations craquent toujours à la demande chez tout le monde? Grave question!

9. Je dors désormais, depuis un mois, absolument n’importe quand, c’est-à-dire par bribes, la nuit comme le jour. Combien de temps par vingt-quatre heures? je ne sais pas. Eh bien hier soir, après avoir regardé mon petit Lubistch (un des meilleurs films sur la guerre de Quatorze, ou plutôt sur les relations franco-allemandes, à rapprocher de Jean-Christophe), je me suis fourré sous ma couette, tout lien avec les mondes extérieurs coupé (sauf le téléphone portable, on ne sait jamais dès fois que quelqu’un m’appelle), et je me suis plongé dans mon petit volume qui, bien qu’en anglais, se lit très vite, je veux dire que, parce que c’est une correspondance (comme lorsque je lis un journal intime), après avoir terminé une lettre, on se dit «allez, encore une autre», si bien qu’on avance vite, donc qu’on se retrouve à je ne sais quelle heure de la nuit. Ceci pour dire que je ne sais à quelle heure je me suis endormi mais que je sais que je me suis réveillé à dix heures du matin, frais et dispo, quelques flocons aperçus à travers la fenêtre. Non, je n’irai pas à Houdan cette après-midi, pas envie de voir personne.

10. Oui. Ce n’était pas de jeu: j’en avais assez, et si je n’en avais pas assez il suffisait de redemander. Et puis, par exemple, pour les choses «utiles», par exemple un stylo ou un livre pour la classe, ce n’était pas compris dedans. Et où était la limite? En gros l’argent de poche servait aux seuls achats que mes parents (ma mère, mon père ne s'occupait pas de ça) n’approuvaient pas ou que je voulais leur cacher.