samedi 30 novembre 2013

FB novembre 2013



Message personnel: pâtés mangés, saucissons mangés, petit billy mangé, jambon donné, boudins antillais mangés, chocolats mangés, vin bu, y a plus rien.
À l'année prochaine!

«Every Saturday buries a Friday if you come to look at it.»

Débat sur la prostitution, c’est comme les débats sur les films ou la littérature: il suffit qu’un individu aime telle ou telle petite abjection (ou tel mauvais film), il faut qu’il fasse des phrases pour se justifier, voire qu’à partir de là il nous développe toute une théorie.

«Es muß sein!»

«Il est probable que les peuples des colonies massacreront un jour colons, soldats et missionnaires et viendront à leur tour “opprimer” l'Europe. Et nous nous en réjouissons. Non par cet amour de la symétrie qu'est le sentiment de la justice et qui est d'une esthétique bien dépassée, mais parce que les nègres sont plus proches de nous que les Européens, et que nous préférons leur pensée primitive “à la pensée rationnelle”; leurs magies aux religions dogmatiques; leurs statues, leurs bijoux et leurs bordels aux nôtres! Nous sommes avec les noirs, les jaunes et les rouges contre les blancs. Nous sommes avec tous ceux qui sont condamnés à la prison pour avoir eu le courage de protester contre les guerres coloniales.
Nous fraternisons avec vous, chers nègres, et vous souhaitons une prochaine arrivée à Paris, et de pouvoir vous y livrer en grand à ce jeu des supplices où vous êtes si forts. Pénétrés de la forte joie d'être traîtres nous vous ouvrirons toutes les portes ! Et tant pis si vous ne nous reconnaissez pas!»

Bonnets rouges: En ce qui concerne 1675, c'était de “gauche” ou c'était de “droite”? Trois siècles plus tard, les historiens ne sont toujours pas d'accord.

D'après wikipedia, on ne connaît que quatre rotrouenges, qui ont été écrits au XIIIe siècle. Eh bien, nous avons un ami qui s'y est mis, et qui, pour l'heure, en a écrit un cinquième.

Je vous laisse, j'ai pas fini: Caroline chérie, 2e version, Denys de La Patellière, 1968. Quel film! Pour mes amis cinéphiles (Tags: Seurat, Demy, Rohmer, Coppola Jr, Clouzot, Kubrick).

J'ai écrit deux pages: il n'y a qu'entre six heures et sept heures du matin que j'ai l'esprit vif.

P a bien travaillé. Maintenant va faire une grosse connerie… mais vraiment une grosse connerie (je sens ça).

«Esto peccator et pecca fortiter.»

Angot, Moix: les «belles et hautes voix» haussent le ton face aux périls: la France est sauvée.

Il y avait longtemps. Je vous ai remis quelques cailloux.

«J'ai retrouvé : tout ce que je connais de Morrison est là.»

D'une amie fb:
«À quoi marchez-vous ? Je me demande: À quoi marchez-vous, mes amis? À quelles valeurs, quelles envies, quels moteurs? Où pensez-vous allez? Où allez-vous? Avec qui? Et pourquoi? Quelle est votre vie? Ce qu'elle est, ce qu'elle fut, ce que vous pensez qu'elle devrait être. Qui êtes vous? Parce que, merde, quoi, vous êtes mes amis, FB, certes, mais mes amis. Bon, alors, je vous demande: à quoi vous marchez, quelles sont les énergies qui vous donnent envie de construire encore et toujours? Comment réussissez-vous à donner autant de messages d'amour, de paix et d'espoir ? Vous êtes étonnants, détonnants.»

Je suis tellement influençable que j'ai acheté Gramsci.

Le journaliste (si on veut) de BFM télé: «À Colombey ils ont déposé une berge… euh… une verge… euh… une gerbe…»

Comme je disais l'autre jour, moi ce qui me barbe dans le ciné-club, c'est le débat après la séance.

Contrepèterie: «par quel bout les attraper».

Dormir, dormir, dormir, dormir, dormir, dormir, dormir, dormir, dormir, dorm

Trop de liens à partager ce matin…

Ah! notre jeunesse facebookienne… au temps où nous étions innocents… où nous croyions que tout allait y être possible… et le lancer de moutons! Nostalgie.

«N’oublie pas que tu es en deuil.»

Médite sur les glaires cervicales
A vu Un caprice de Caroline chérie
Balance des “J'aime” à tout va
Finit son café et s'y met.

«Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée.
Chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur.
Elle est ensuite remplie de terre bien foulée.»

«La dépose de la roue de secours doit pouvoir s'opérer sans déchargement du cercueil.»

Série: j'écris des titres: Une terre bien foulée.

“Aujourd’hui, ce n’est pas Godard qui est hors du monde, c’est le monde qui est hors de Godard.”
“Les loups des steppes se promènent sans chien.”
“Tiens ! il n’y a pas d’araignée ce matin.”

13 novembre: Ah! C'est aujourd'hui! Il faut que je me mette en condition!

Tiens si j'allais me choisir quelques favoris sur flickr au lieu de barboter dans mon égocentrisme?

«Ceux qui s'arrogent la position de faire sortir autrui de l'aliénation visent toujours une forme de maîtrise» (M. Rueff, préface à Gramsci).

«Commencer à vivre c’est partir vers l’ouest» (Jean-Pierre Abraham).

14 novembre: Gentillesse. Fini. On remballe. Jusqu'à l’année prochaine.

P aime les sourires.

P attend la neige (Ibis budget: la pression de l'eau dans les robinets me rappelle celle dans les palaces yougoslaves à l'époque de Tito).

«Nous aussi nous sommes de gauche.»

P ne pense qu’à ça.

«On connaît bien peu ceux qu’on aime
mais je les comprends assez bien
étant tous ces gens-là moi-même
qui ne suis pourtant qu’un babouin.»

Retour sur le passé, 23 juin 2009:
A n’aime que la chanson à texte (Brassens Juliette Gréco) ; B aime le metal, le hard rock, dit-elle ; C aime la pop, variétés, plutôt anglaise des années soixante, et bien autre chose – éclectique. RC est allergique à tout ça, y compris Miles Davis qu’une soirée mémorable il a essayé d’écouter en compagnie de son ami Flatters, la musique ce n’est pas la musiquette. PB on le sait est tombé amoureux de PJ Harvey. PS, qui est arrivé à RC par Pascal Sevran, pense que les Beatles sont de la plus haute importance dans l’histoire de la musique du vingtième siècle. D, qui ne dit rien, pense que, à tout prendre, il préfère la guimauve de Gérard Lenorman à la fausse poésie Dabadie-Julien Clerc.
François Truffaut disait: «les chansons populaires disent la vérité».

Je vous laisse. J'en ai gros sur la patate de plusieurs choses. Salut.

«Chacun a ses raisons dans sa conduite» (Voltaire).

Il y en a qui cherchent toujours l'objet petit a. (WTF)

Bloy disait: «L’antisémitisme est le soufflet le plus horrible que Notre Seigneur ait reçu dans sa Passion qui dure toujours, c'est le plus sanglant et le plus impardonnable parce qu'il le reçoit sur la Face de sa Mère et de la main des chrétiens.»

Tout va bien. 95% de mes rêves sont de beaux et doux rêves et mes cauchemars sont saugrenus.
“Risible comme un cauchemar de l'aube.”

J'ai tous les vices.

P spécule sur l'art contemporain.

Merci le courrier accumulé (merci facteur!), merci les anciennes PTT (mesdames), merci Cher Maître (notaire), merci chère clerc (clerce, clerke?), merci ô mes assurances (matmut, maaaf), merci apostrophe (ya pas), merci esperluète (ya pas), merci pour avoir comblé mon jour. Je me pose, beaujolais nouveau (pour embêter les dénigreurs) plus vieux poche poussiéreux années cinquante d'un curé mort (Hougron? ou Carco? ou Barrès? le plus court…), les cimetières attendront demain matin.

“Allez! Haut les cœurs! Tout réussit à qui sait patienter. J'ai rencontré un type avec qui j'aurais aimé travailler. (Bon. Là, il est un peu tard.) … Et ce projet qui date de vingt ans, va peut-être avoir lieu.” (la phrase qui sort tout seul le matin au réveil — mais qui parle à l'intérieur de moi?)

Si quelqu'un sait faire des crochets sur un clavier mac qui fonctionne sur un virtual pc, présentement ça m'aidera plus que l'art de croquer les petits enfants à la Saint-Nicolas.

Patristique grecque et Ibis Budget. Bonne journée

Une toute petite phrase. On a envie de réagir violemment. Quitte à faire mal. Encore qu'il s'en foutrait du P. Et puis non, on reste muet, en silence, consterné, hébété. Est-ce ainsi que cela va finir?

Heureusement tout cela n'est rien, il nous reste Ephrem le Syrien et Évagre le Pontique. Et je ne vous dis rien de Photius l'humaniste, la joie du samedi. (Mais quel était celui qui volait comme un dirigeable?)

Je rougis du compliment, j'en suis ravi de ravi: «Ses énigmes sont belles».

Cette fois c'est fini, encore que, on n'en a jamais fini:

Mercredi 30 décembre 1970



Neige. Grives à Moulon. Visite chez Louis. Aux ordures. La confiture. Lis Théorie des champs. Belote.

Mercredi 30 novembre 2011



« … J’aurais préféré que le monde soit à l’image du Mystère Frontenac plutôt qu’à celle du Nœud de vipère.
J’espère simplement que vous ne serez pas froissée de ces quelques mots. »
Je lui ai envoyé ce petit mot, en échange j’ai reçu un tombereau d’injures. Charmante la dame.


vendredi 29 novembre 2013

Mardi 29 novembre 2011



Ajustements par rapport à Reims.
Maman.
Regardé Le Charme discret de la bourgeoisie avec… en fumant un joint. Il y a des pucerons dans leurs cultures. 

jeudi 28 novembre 2013

Lundi 28 novembre 2011



Vendredi, Bronco Apache et Riz amer. Le soir AG de la SRRLLC.
Samedi. J vient nous voir, mais il repart dès le soir.
Dimanche seul toute l’après-midi, je regarde Des Beignets de tomates vertes. Ce soir Full Metal Jacket. Décidément je ne suis pas kubrickien.
Sur fb bagarre général entre PC, PB (et leurs partisans) et Adelina Dadlova et ses trolls fascistes, le tout sous le fantôme silencieux de Bidule Truc. Pour une fois je pense que je suis le seul qui pose les bonnes questions, mais personne ne me répond.

mercredi 27 novembre 2013

Samedi 27 novembre 2004



S parti. I pas venu. Dimanche dernier grande réunion familiale à A.

Nouvelles lettres, p. 225 : « Ce qui a les promesses d’éternité subsistera, – si le reste doit s’écrouler, autant que nous l’ayons aimé, nous ne devrons pas lui donner une larme. » 

En 41 : « il nous reste une passion à assouvir et pour moi j’y plonge jusqu’au-dessus de la bouche : ce n’est pas la haine ; c’est le mépris. » 

Sur l’art d’écrire d’Esprit (de Mounier, on en trouve un excellent exemple dans La Paix des cimes) : « Dieu les punit par la confusion des langues, et un charabia extraordinaire… » 

Sur la vie, les « vies » toute la lettre à Daniel Guérin (p. 100).

Henry Franck. « Jamais je n’ai senti à quel point le monde ne subsiste que par ce qui demeure encore de “chrétienté” ». 

Nœud de vipère : « le mythe de Prométhée signifie que toute la tristesse du monde a son siège dans le foie ».


La prostitution dans ma vie



Je travaillais à la consigne Sncf de la gare de l’Est. Je rentrais chez moi par le dernier train. Je sortais du métro à Chaussée-d’Antin et je rejoignais Saint-Lazare à pied par la rue de Provence. Chaque soir il y avait derrière les magasins du Printemps une prostituée, jeune, bien mise, je veux dire pas du tout extravagante, élégante sans ostentation, discrète, la voix douce, qui se proposait de m’emmener.
M’emmener où ?
Je marmonnais un merci inaudible, je me renfonçais dans mon parka, et je filais sans demander mon reste. On devait entendre de loin mes pas précipités qui claquaient dans le silence de la nuit. Elle, devait s’être renfoncée dans son encoignure de porte. Il ne fallait pas que je manque mon train, je m’enfonçais dans la nuit, je poursuivais mon chemin, vite, le cœur battant, profondément troublé.

Lucette et Bernard formaient un gentil petit couple typique des années soixante-dix. Bien dans leur peau, à l’aise avec tout le monde, drôles, attachants, beaux, décontractés. Ils allaient bien ensemble. Un jour j’ai déjeuné avec eux près des halles. À l’époque du grand trou. Nous avons laissé Lucette rejoindre le bureau où elle travaillait comme dactylo, et Bernard et moi avons été flâner dans le quartier.
On connaît le quartier.
Bernard a commencé par dire un ou deux mots gentils aux prostituées de la rue Saint-Denis. Nous déambulions. Et puis soudain il s’est arrêté, il s’est tourné vers moi. Il a voulu qu’on y aille — qu’on monte — tous les deux : « Non, tu veux pas, ça serait rigolo ? ». Je n’en croyais pas mes oreilles. Ça bourdonnait. J’avais comme un brouillard devant les yeux. Aveuglé. Sans plus respirer.
Je ne pensais qu’à Lucette, là-bas, à deux pas, devant sa machine à écrire, dans son bureau sombre, avec ce gros patron, petit, chauve, au crâne luisant, qui se penchait vers elle pour vérifier si elle ne faisait pas d’erreur.

Quelques années plus tard.
Jacques était en manque, mais très en manque. Alors il a été question de lui faire un cadeau d’anniversaire. Nous sommes allés rue Saint-Denis. C’est moi qui allais demander les tarifs parce que Jacques et l’autre ami qui nous accompagnait étaient encore plus ballots que moi. Enfin je trouvais la bonne personne. Contrairement aux autres prostituées, visages fardés, décolletés vaguement écœurants avec toute cette chair qui débordait ; elle, était fine, le corps souple, en blue-jean et t-shirt, elle était « normale ». En plus elle prenait moins cher. Et je suis sûr qu’elle plaisait à Jacques, qu’elle était son genre.
Eh bien, au dernier moment, on était pourtant venu là pour ça, au dernier moment, Jacques s’est dégonflé. On a été prendre un dernier verre en terrasse à l’angle de la rue du Renard et de la rue Rambuteau. Il y avait devant nous la masse sombre du tout nouveau musée.


M. … je ne me souviens plus de son nom… père de famille nombreuse, bon catholique, dirigeait la librairie religieuse de notre petite ville. Un soir d’hiver nous allâmes tous les deux à une réunion « culturelle » dans la grande ville proche de Marseille.
Nous sommes rentrés tard. Je conduisais. Je suis passé par la rue Villeneuve pour rejoindre la gare Saint-Charles puis l’autoroute.
Soudain mon compagnon s’écrit : « Oh les petites jeunes filles ! Elles vont avoir froid ! Les pauvres ! Qu’est-ce qu’elle font ? En petites tenues à minuit ! Au mois de janvier ! »
Il a fallu que je lui explique.


mardi 26 novembre 2013

Lundi 26 novembre 2001



Le général Aussarèsses passe en jugement.
On a cloné un embryon humain : six cellules.
Marines en Afghanistan, quelques centaines, dans quelques jours quelques milliers ?
Bombardement et massacres de talibans révoltés dans leur prison-citadelle de Mazar-i-Charif, par l’Alliance du nord et les Américains.
Chevènement a de bons sondages pour les prochaines élections. 

Bon travail, je veux dire normal, mes huit heures, bien avancé dans Ben-Hur.


lundi 25 novembre 2013

Mardi 25 novembre 2008



« Huit députés (5 UMP, 1 NC, 2 PS), les seuls présents dans l'hémicycle, ont voté à l'unanimité une loi interdisant la conservation des urnes funéraires à domicile. »

Ce château de la renaissance, style renaissance, suspect, suspicion confirmée par la lecture : il a été restauré (rénové ?) dans les années quatre-vingt (à vérifier), remis à neuf. La tendance est très lourde : arènes d’Arles, fortifications de Provins, grille en plastique doré de Versailles, ajoutons à cela le projet de reconstruction de la porte Guillaume (souscription ouverte), et celui des Tuileries (en béton me dit Pierre).

Ce midi Charles mange une sardine. Ensuite il y a de la choucroute, il n’en veut pas. Je propose de lui préparer autre chose : « Qu’est-ce que vous voudriez ? » Il répond : « Du roudoudou dans la gueule. »


dimanche 24 novembre 2013

André Breton, fin de vie




«La détresse morale dont on me dit qu’il souffre, en dépit des courants de sympathie, d’amitié, d’affection, de ferveur même qui l’enveloppent et le portent, je la pressentais depuis longtemps. Elle me fut confirmée, au printemps 1964, par Jacqueline Lamba, la deuxième femme de Breton.
[…]
Plus récemment, Pauvert m’a rapporté un propos de Breton lui-même. À la fin de 1963, ou au début de 1964, celui-ci se serait laissé aller à lui confier : “Je suis le plus malheureux des hommes.”»
José Corti, Souvenirs désordonnés, 10/18, p. 164-199




L’oncle Jules



Je vais être exhaustif, écrire ici tout ce que je sais de lui, j’en sais si peu.
On l’appelait l’oncle Jules, mais c’était un oncle de ma grand-mère. Elle ne l’aimait guère : c’était un ouvrier ; il avait été anarchiste, pas vraiment le genre de la famille ! Son patron avait été très intelligent, dixit ma grand-mère, il l’avait nommé contremaître, et ainsi du jour au lendemain l’anarchiste devint un petit chef très arrogant, dur, «suppôt du patronat», qui se fit détester par tous ses anciens camarades.
Lorsque nous allions chez Robert, le cousin germain de ma grand-mère, donc le neveu de cet « oncle », on nous montrait une porte toujours fermée. Derrière vivait l’oncle Jules. Robert et sa femme, tous les deux très bons, avait recueilli ce vieux célibataire. Je n’ai jamais vu l’oncle Jules. Il ne s’est jamais montré, il n’a jamais entrouvert sa porte quand nous étions en visite, jamais nous n’avons entendu le moindre bruit. Je me demande s’il prenait ses repas avec Robert et Suzanne, je crois me souvenir que Suzanne les lui portait dans sa chambre. Quand j’étais petit, j’étais effrayé rien qu’à regarder cette porte qui cachait un tel mystère.
Un jour on nous a dit que l’oncle Jules était mort.
Comme je racontais cette histoire à Inês, elle m’a dit en riant : « Mais enfin, ton oncle Jules, il n’a jamais existé ! »

Parfois je crains de finir comme l’oncle Jules.




Lundi 24 novembre 2008



« Maman, est-ce que je peux avoir un endroit à moi ?
– Tout est à toi.
– Non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas chez moi, je n’ai pas de chez moi, rien n’est à moi.
– Alors prends tout, mets tout dehors, hop ! »
La seule conclusion qu’elle sait me rabâcher c’est: « Tu seras débarrassé je vais bientôt mourir. » 


samedi 23 novembre 2013

Mercredi 23 novembre 2005



D revient à midi pour hurler, insulter ses filles et sa femme. Humeur de chien insupportable. Je reste pour les filles; j’ai failli aller faire mon sac sans un mot. Il traite sa belle-mère comme Pierre traite sa mère; je l’ai dit, ils sont pareils; ah ! s’il voyait mon ami Pierre, et quelle honte il aurait qu’on le compare à lui. On déteste toujours ceux à qui on ressemble, où l’on ne peut que lire en pleine lumière les défauts qu’on a qu’on veut le moins admettre, le plus masquer aux autres, à ceux à qui l’on souhaite ardemment (ceux qu’on aime) montrer une belle image de soi.
Ce soir, aussi fantasque, mais il est agréable: il rit !
Il paraît qu’il a neigé à cinquante kilomètres d’ici.


vendredi 22 novembre 2013

Jeudi 22 novembre 2001



Ce soir, sur le pavé mouillé, scintillant, les taches jaunes des feuilles de platane; il n’y a pas de platane dans l’avenue.
Émission à la télévision (on est en automne 2001, il faut le rappeler), Nabe qui soutient Ben Laden […].
Et ça parle d’Art, ça pose à l’artiste. Et ça croit en la vérité, puisque ça prétend que leur idéologie n’est que la seule vérité, la vraie, la métaphysique…
[…]
On finit ultra-moderne : Warhol et les année soixante. Voilà où nous en sommes. Nota : les faux César dont on parle aujourd’hui, ça c’est réjouissant.
C’est merveilleux tout ça, il n’y a qu’à relire B pour voir ce qu’est une œuvre d’art modeste, simple, brillante, digne. Notre époque est honteuse et pleine d’ordures.

N en minijupe noire, elle sait ce qu’elle fait, « ça fait un peu Colette » dit-elle, elle veut dire un peu Claudine ! 

jeudi 21 novembre 2013

Mardi 21 novembre 2006


«Dupuis», Histoire désinvolte du surréalisme; Jean Clair, Du surréalisme et de ses rapports avec les tables tournantes; RC, le Chasseur de lumière; Philip Roth, Parlons travail; André Gorz, Lettre à D; Balzac, Un drame au bord de la mer.


Je devine même qu’il a déjeuné avec elle à la Défense ce midi. Je n’ai rien à faire de ces choses sauf cette façon de croire m’infantiliser en me tenant à l’écart. Cette manie des petits secrets crétins. Il faut qu’ils aient leur petite importance et c’est la seule façon qu’ils ont de l'avoir. Ça me fatigue. La transparence contre les secrets entre les êtres, ne pas dire, pour rien, ne pas dire pour mettre en valeur sa petite importance, les appels téléphoniques en cachette, les «je pars en week-end», et comme on est poli, on a du savoir-vivre, on respecte l’intimité, on ne pose pas de question, d’ailleurs on se doute du week-end, qui sera bien innocent, plus, c'est parce qu’il sera très banal qu'on le met un peu plus en valeur par son mystère. Les mystères, voilà l’haïssable. Mais si l’on pars, et que l’on ne dit pas où, alors on soupçonne quelque chose de suspect, de pas innocent, (il ne s'agit pas de jalousie). Et il faut que l’on se justifie. Mais pourquoi en vertu du premier paragraphe ne le dites-vous donc pas où vous allez? parce qu’on se lasse savez-vous des relations asymétriques où l’on a toujours le rôle bas.


mercredi 20 novembre 2013

mardi 19 novembre 2013

Vendredi 19 novembre 2004



«Évaltonné, ée, adj. [Ordinairement en parlant d’une femme] Qui est désinvolte; étourdi, évaporé. Pendant ce temps, la jeune fille que le chevalier traitait d’“évaltonnée” quittait à son tour le presbytère et regagnait lentement la rue du Tribel (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 39).  Emploi subst. : … les jeunes filles du village, qui sortaient de l'église, entrèrent au nombre de quinze à vingt dans le jardin du couvent, comme autant d'évaltonnées, riant, dansant, courant à toutes jambes, venant faire sous les fenêtres de grands saluts, de grandes inclinaisons de tête et de corps.»
(TLF)

lundi 18 novembre 2013

On en veut toujours plus

«Pour moi, être aimé n’est rien, c’est être préféré que je désire.»
André Gide

Dimanche 18 novembre 2001



Parce que j’ai lu sa préface à l’un des tomes de Marcel, j’ai dit à Nathalie M qu’elle devrait écrire des romans.
« Mais je n’ai aucune imagination.
– Votre cousine, elle en écrit bien, elle.
– Ah c’est vrai, le roman c’est très porté dans la famille. »

Je lis De l’amour  de Stendhal, pour essayer d’y comprendre quelque chose, mais, hélas ! Cela restera à jamais incompréhensible pour moi.

Hier soir inauguration de la librairie de C. Le champagne coule à flots. Je rentre vers une heure.
Un type comme moi aime les réceptions, les rencontres entre amis, il en profite même mieux que d’autres ; de plus il plaît assez aux femmes, et elles ne le craignent plus, à son âge ! sa conversation est parfois agréable, il lui arrive d’être drôle, son sourire enjôleur (parfois). Puis à une heure du matin, je rentre seul engoncé dans mon col, mon écharpe, je m’enfonce seul dans ma nuit.
Fin d’après-midi crépusculaire. Les familles rentrent chez elle après leur promenade. Les êtres humains seuls rentrent seuls dans leur tanière. Ils n’ont pas adressé une seule fois la parole à une personne de la journée, ils ont regardé les enfants jouer dans les squares. Les êtres humains chez eux se désespèrent, encore une journée de libre qu’on a perdu, et demain le bureau, ou, pire chercher et ne pas trouver de travail, demain re-plongeon dans la vraie vie, la vraie vie triste, et sans espoir. Heureusement le dimanche soir il leur reste la télévision, et finir les fonds de bouteille du repas de midi.
J’écoute A kind of blue, je sais pourquoi je n’aime pas le jazz, le jazz c’est toujours triste. 


Têtus



Il y a des gens têtus.

Ainsi André Spire, qui a vu en 1952 une croix de lumière dans le ciel. Qui a été profondément troublé puis qui s’est repris : «J’ai assez vite dominé l’émotion qui m’avait étreint et recouvré mon sang-froid. la vérité c’est qu’il n’avait pu s’agir que d’un banal éblouissement…»

Ainsi Charles Duits, qui a vu, qui a vu, qui a vraiment vu la vierge Marie, mais qui a refusé de se convertir.

Cohérence



Le monde est plein de signes. Il faut les observer, non aveuglément cela va sans dire, mais avec bienveillance ; les apprivoiser. Il arrive ainsi qu’un jour, tous ces signes s’assemblent d’un coup pour composer le dessin inattendu d’un nouveau, d’un autre monde. Nous somme environnés de signes, ou discrets ou éclatants. Il n’est que de les voir. Ils s’offrent à nous avec l’espoir d’être reconnus et accueillis. Nous avons aussi la liberté de leur dénier tout sens et de passer outre.
José Corti


dimanche 17 novembre 2013

Lundi 17 novembre 2008



Chez RP, avec MDB, et un couple gentil de gentils homosexuels bien propres, et charmants, avec le célèbre F, et un « ami » à lui, et avec la reine de la soirée, É ; lecture des six premières pages de Tr.III.


Bazas



«Votre cathédrale est le témoin vivant de ce petit monde provincial disparu, plus cultivé, plus vraiment civilisé que le nôtre, s’il n’était pas meilleur. Ô ! non. il n’était pas meilleur. La férocité humaine, cela seul ne change pas. Votre cathédrale vous dira, peut-être, tout ce qu’elle a souffert de la part des hommes au cours des siècles : Dieu sait si elle a été insultée, mutilée. Mais peut-être vous dira-t-elle qu’aux pires injures des hommes et du temps, elle a survécu, comme elle survit, comme elle survivra à notre abandon. Ce qu’elle va vous raconter ce soir, elle continuera de le raconter aux étoiles, si jamais les derniers Bazadais l’abandonnaient, si elle demeurait seule à rêver au-dessus des maisons mortes.
» Mais cela n’arrivera pas. Et même, il me plaît d’imaginer qu’un jour viendra, où les hommes mourront de tristesse dans les alvéoles de béton des grandes villes où ils s’entassent aujourd’hui, où ils n’en pourront plus de respirer les relents de mazout, d’être assourdis par des moteurs qui auront envahi peu à peu, non seulement tous les chemins de la terre, mais toutes les routes du ciel. Alors, ils se souviendront des maisons abandonnées autour de la cathédrale éternellement vivante. Ce sera le retour des enfants prodigues, et les vieilles provinces ressusciteront. La cathédrale de Bazas attendra cette heure sans impatience, car un siècle est pour elle comme un jour. Mais la fête de ce soir lui donne l’avant-goût de la joie qui fera tressaillir ses vieilles pierres, quand le temps sera venu du grand retour, et que, chassés des banlieues empestées, tous ses enfants embraqueront de nouveau sur l’antique vaisseau ancré depuis tant de siècles dans les douces collines du Bazadais.»

(François Mauriac, texte dactylographié par madame Mauriac, enregistré à Bazas le 16 septembre 1960 pour être diffusé le 18 au soir [son et lumière].  Il faut imaginer la voix de Mauriac, diffusée par haut-parleurs au-dessus de la grand-place.)

La guerre de mon grand-père



Armand est né en 1898, il était donc de la classe 18. La classe 18 a été mobilisée en avril-mai 17.
Lui, est parti avant, engagé volontaire. Quand ? Pour s’engager volontaire il fallait avoir 17 ans, avec l’autorisation des parents. A-t-il demandé une signature à sa mère qui vivait au fin fond de la Normandie ? À quel âge a-t-il pris la décision ?
Il a fait ses classes à Nîmes. Combien de temps ? À en croire différents forums d’internet, ils faisaient à peu près cinq mois d’instruction avant de partir au front.
On le retrouve dans les Vosges, à l’Hartmannswillerkopf. Combien de temps y reste-t-il ?
Lors d’une sortie, il y eut une bombe — un obus ? « Toute sa compagnie y passa », légende familiale. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Il se retrouva seul avec une jambe arrachée. Il s’est fait un garrot, ce qui l’a sauvé.
C’est tout. Je ne sais rien d’autre. Il n’en a jamais parlé. Tout cela je le tiens de ma mère, or je ne me fie pas beaucoup à ce qu’elle racontait.
J’ai tout dit. Je ne sais rien de plus.
(Il est possible que je retrouve quelques vieux papiers. Il faudrait trier.)

Mercredi 12 mars 2008:
Maman me rappelle quelques souvenirs, et me dit que son père a tué un Allemand dans un corps à corps. Jusqu’où la croire?
Et jusqu’où me croire? Deux heures plus tard, je crois me souvenir de cette très ancienne histoire de famille que j’avais entendue dans mon adolescence.



samedi 16 novembre 2013

Lundi 16 novembre 2009




Ça pourrait s’appeler J’aime marcher la nuit, ou Loin, ou L’Aventure c’est plus de mon âge.
Ça a mal commencé à Montparnasse, mauvais présage, j’aurais dû me douter de la suite. Il ne faut pas manquer de décrypter certains signes qui ne trompent pas. J’ai manqué de discernement, ou d’ample vision, toute cette nuit. Et pourtant j’étais à l’heure, juste, pas à courir pour sauter dans le dernier wagon, pas à trop attendre sur un des bancs durs conçus pour que les clochards (et moi) ne s’y reposent pas. Malgré le petit vin rouge du Pot au feu je devais être froid (non pas avoir froid, être froid), il me fut impossible d’obtenir un billet sur les bornes Sncf où il faut effleurer – ou écraser rageusement, c’est selon – l’écran qui réagit à la chaleur humaine. Pas de billet, qu’à cela ne tienne, pas de scrupule non plus, je monte dans le dernier train pour Chartres, minuit vingt-cinq. De prime abord ce train me paraît bizarre: les banquettes ne sont pas les mêmes que d’habitude, il est plein de noirs. Je n’ai rien contre les noirs, je sais même que quelques-uns habitent Chartres, n’empêche, n’empêche, c’est louche. Ça m’a mis la puce à l’oreille, fausse puce, qui n’aurait jamais dû y être. Le conducteur du train annonce terminus La Verrière. Parce que les trains pour Chartres ne s’arrête jamais à La Verrière, l’inquiétude, la sourde inquiétude comme on dit dans les romans, commence à m’étreindre, et j’ai beau faire des efforts je n’arrive pas à poursuivre ma lecture, champêtre et printanière, de Maurice de Guérin. À Versailles Chantiers, dernière station avant la province, avant le désert, avant la nuit, avant l’inconnu, gare qui m’est un peu trop familière (mais c’est une autre histoire), je décide de voir de quoi exactement il en retourne en descendant sur le quai. L’on sait qu’à ces heures ultimes les conducteurs de trains sont pressés de rejoindre leur home, c’est humain. À peine ai-je mis le pied sur le territoire versaillais que la porte me claque au dos et que le train repart sans crier gare. À peine ai-je le temps de reprendre ma respiration qu’un quidam me laisse entendre que j’aurais mieux fait de rester dans ce train-là. Car un car était prévu au terminus, qui de La Verrière emmènerait tous les naufragés à Chartres. Bon. J’allume une cigarette. Un autre train est annoncé pour La Verrière. J’ose espérer, car à ce moment je n’ai pas abandonné tout espérance, rattraper grâce à ce train providentiel l’autocar qui, compte tenu de ma bonne étoile, attendrait mon arrivée avant de quitter la gare de La Verrière. Ce nouveau train que je prends est un omnibus, un tortillard, et l’on découvre de nuit la gare de Trappes, la gare de… j’ai oublié le nom des autres gares. On peut se consoler en se disant qu’il faut profiter de la moindre petite image captée dans la nuit parce que ces gares-là, jamais plus, plus jamais on ne s’y arrêtera. En gare de La Verrière, terminus, je suis attendu sur le quai pas une escouade de contrôleurs, dont une jeune et jolie contrôleuse en ravissant costume d’hôtesse de l’air. Il est à peu près une heure et quart, j’ai reçu il y a peu le sms de V. Elle n’est pas arrivée de bonne heure à Yerres elle non plus, elle aura flâné en route, ou alors elle aussi a dû manquer quelque correspondance. Tous ces employés Sncf sont d’une gentillesse désarmante, il compatissent à tour de rôle, ils en rajoutent, « mon pauv’ monsieur », ils en auraient les larmes, mais aucun ne me propose d’affréter un tgv, un taxi, un nouvel autocar, aux frais de la compagnie, ni par exemple de me loger sur un canapé dans un angle de leur salon près de la cheminée. Ils me recommandent de prendre l’autocar qui attend sur le parvis, qui n’est pas l’autocar providentiel dont j’ai parlé plus haut, qui n’est qu’un succédané d’autocar providentiel. Il va à Rambouillet, ça me rapprochera de Chartres, et au moins à Rambouillet il y a des hôtels, disent ces braves gens, ça ne mange pas de pain de dire ça, ça ne les engage pas trop, dans deux minutes ils m’auront oublié, dans trois minutes l’hôtesse de l’air aura oublié que j’ai jamais existé. Je monte dans le car avec trois pékins, car entre-temps un autre train était arrivé d’une incertaine banlieue. Nous partons. Le chauffeur est bougon, on longe la nationale 10 que je connais bien en prenant la contre-allée, nouveaux points de vue différents des points de vue connus par cœur sur Castorama, Cuir Center, Auchan, etc. Le car fait des détours à travers des embranchements et des ronds-points pour rejoindre chaque gare du parcours, où aucun voyageur ne descend, ni ne monte. Il s’arrête, se retourne, vérifie que les rares voyageurs ne font pas un geste, puis repart, nouveaux embranchements pour retrouver une parallèle à la nationale 10, etc. À deux heures nous sommes à Rambouillet. Par hasard il y a un guichet éclairé avec un homme derrière l’hygiaphone. Je lui demande un à quelle heure part le prochain train pour Chartres. Le problème a l’air compliqué à résoudre car il disparaît vers le fond de sa cabine, longuement, ou du moins le temps me paraît long, je doute qu’il revienne, enfin il revient, 7 heures moins le quart. Je lui demande alors s’il connaît un hôtel proche, et il me répond curieusement: « moi je suis pas d’ici vous savez, je suis de Bretagne ». Bon. Je pars vers le centre, je traverse toute la ville. Je ne suis pas complètement épuisé car j’envisage alors de rejoindre Gazeran, que j’atteindrai sûrement avant le lever du jour, histoire de se dérouiller les pattes plutôt que de rester assis sur un banc ou de faire trois fois le tour de ville (le parc du château est fermé). Toute chose est fermée. Dans mes pérégrinations je n’ai pas entr’aperçu un piéton, la seule voiture que j’ai vue était celle de la police. Mais la police n’est pas responsable des gens qui n’ont pas où dormir. Après avoir franchi les zones pavillonnaires, j’atteins les confins de la ville, j’atteins les prés, ou les bois, je ne sais je ne vois rien, je vois la route sombre, et des bas côtés herbus, bosselés humides. J’ai presque peur de cet inconnu noir, je ne me vois vraiment pas faire x kilomètres dans ces conditions d’autant qu’en fait, à bien réfléchir, je ne sais pas à combien de kilomètres est Gazeran. Alors, heureusement j’ai une bonne boussole intérieure, je bifurque vers la gauche, c’est-à-dire vers le sud (Gazeran est a l’ouest). A nouveau des zones pavillonnaires, des rues qui tournent si bien que je me retrouve après des centaines de mètres presque à l’endroit où j’étais dix minutes plus tôt; sauf que je suis au-delà d’un massif de buissons épineux, dans des résidences où tout dort, même les chats, pas un chat, même galeux, même de gouttière, même gris! où la plupart des ruelles sont des impasses, puis le long de stades de football, je ne sais plus si je suis sur le parking, au milieu d’une route, ou à l’intérieur du stade. Je deviens sourd mais pas tout à fait encore, peu à peu – mais elle me semble encore bien lointaine – j’entends la rumeur de la nationale 10. Une rue rectiligne avec trottoir, des enseignes éclairées. Comme dans le désert les mirages, j’imagine que c’est un hôtel (ouvert, charmant, pas cher), mais c’est un entrepôt de meubles, ou un spécialiste de vins du Roussillon avec des néons flashy verts, bleus, rouges. Ronds-points de plus en plus larges, que je ne veux pas traverser en ligne droite bien qu’il y ait aucune voiture parce que je sais que s’il y en a une ce sera celle d’un jeune fou aviné. Enfin j’arrive à l’immense parking de l’immense Carrefour. Je le traverse dans toute sa longueur, du nord au sud, puis ses pompes à essence, il doit y avoir caché dans sa cahute un gardien qui m’observe. Je ne fais rien de mal, rien à me reprocher, on a le droit de se promener la nuit! Après Carrefour McDonald’s, entreprise de peinture en gros, encore des meubles. Enfin, côte à côte, Etap Hôtel et Premiere Classe Hôtel. Il faut glisser sa carte bleue dans la fente prévue à cet effet, appuyer sur plusieurs boutons pour choisir tel jour telle chambre avant que l’appareil vous disent «Complet». Allons au Première Classe! Ah! celui-ci, ça va vite: l’appareil ne marche pas. Comment vendent-ils des chambres sans appareil? Je sais que dans la journée on y trouve des êtres de chair et d’os. Poursuivons… Pour atteindre le Noctuel, il faut s’engouffrer dans une ruelle en pente, étroite, bordée d’herbes, entre deux hauts hangars. Au Noctuel une pancarte sobre annonce «Complet». A côté il y a Ibis. Ça c’est une autre classe – je sais il y a beaucoup à dire sur la classe supposée –: c’est moins cheap. Fermé, mais il y a une sonnette sur le côté (rien à voir avec une autre sonnette d’un autre lieu). Je sonne et on répond. On me fait entrer, on m’accueille. On me dit qu’ils sont complets; on compatit, on accuse violemment la Sncf, ces fonctionnaires feignants, si bien que je me sens obligé de défendre la Sncf et cherche à leur expliquer que je suis un peu responsable moi aussi. J’étale si bien mes malheurs que l’homme (qui n’est pas d’ici, mais du Loir-et-Cher), me donne une chambre réservée (75 euros) vu qu’à trois heures il y avait peu de chance pour que le client pointe son nez. Néanmoins je ferme ma chambre à clef, on ne sait jamais, on n’est jamais trop prudent, s’il lui prenait l’idée de venir récupérer sa chambre; non sans penser à André Breton qui prétendait laisser sa porte de chambre toujours ouverte dès fois qu’une belle fille y entre. Je ne risque pas le coup de la belle fille. Un paragraphe de Guérin: la nature, les petits oiseaux, les nuages, console.
Et le lendemain matin il a fallu refaire le chemin inverse pour arriver à Chartres à neuf heures et demie.