lundi 21 mai 2012

Paroles en l’air


Je croise un couple d’adolescents dans la rue en allant à la gare. J’attrape au vol quelques mots de la fille: «Parce que c’est moi qui déciderais? T’es un gars quand même!»

On me fait une remarque.
«Tu as les lèvres sèches.
— Oui, parce qu’on ne m’embrasse pas assez.»


samedi 19 mai 2012

Valais


«Mais ce qui d’autre part me retient encore, c’est ce merveilleux Valais : je fus assez imprudent pour descendre dans cette vallée, jusqu’à Sierre et à Sion ; je vous avais parlé de la magie combien singulière que ces lieux exerçaient sur moi, lorsque je les vis pour la première fois, l’an dernier à l’époque des vendanges. Le fait que dans la physionomie de ce paysage l’Espagne et la Provence s’entrepénêtrent de façon si étrange, m’avait déjà fortement ému naguère ; car ces deux pays au cours des dernières années d’avant-guerre m’ont tenu un langage plus puissant et plus décisif que tout le reste : et dès lors jugez du fait d’entendre leurs voix réunies dans une vaste vallée des montagnes de la Suisse ! […] c’est ainsi que l’esprit d’un grand fleuve (et le Rhône me fut toujours l’un des plus admirables !) porte à travers les pays les dons et les affinités. Sa vallée est ici tellement large, tellement grandiose, remplie de coteaux dans le cadre des grandes chaînes de montagnes, qu’elle offre sans cesse à la vue le jeu des variations les plus ravissantes, en quelque sorte un jeu d’échecs, composé de collines. Jeu qui distribuerait et déplacerait les collines – c’est bien là l’effet, digne de la création, qu’exerce le rythme de l’ordonnance des objets contemplés, ordonnance qui se renouvelle étonnamment à chaque fois que l’on change de point de vue – et les vieilles demeures, les vieux châteaux forts, se meuvent dans ces jeux d’optique avec d’autant plus de charme que le plus souvent les demeures ont, pour arrière-plan, la pente d’un vignoble, la forêt, le pré, ou de grisâtres rochers, et s’intègrent à cet arrière-plan comme les images d’une tapisserie ; car le ciel le plus indescriptible (presque pas de pluie) prend part de très haut à ces perspectives et les anime d’une atmosphère tellement spirituelle que la position réciproque des choses, tout comme en Espagne, semble, à certaines heures, manifester cette tension que nous croyons percevoir entre les astres d’une constellation.» 
Rilke, lettre à Marie de La Tour et Taxis


mardi 15 mai 2012

Intronisation



Rue d’Ulm, service déminage, embouteillage, badauds, effervescence, caméras de télévision, il paraît que le président, intronisé aujourd’hui, va passer. (Effectivement, aux informations du soir, on le verra saluer dans un discours la mémoire de Marie Curie.)

À quelques mètres, à l’angle de la rue d’Ulm et de la rue Erasme, deux grands jeunes hommes très maigres, collés l’un à l’autre, s’étreignent, se dévorent les lèvres, se caressent les fesses. Personne n’y porte attention. Hors du monde.

Cinq minutes plus tard, à normale, un homme raconte ses retrouvailles avec une universitaire brésilienne qu'il avait perdue de vue pendant dix ans. Ils se sont retrouvés. Regrets du temps perdu. Bonheur d’avoir trouvé le bonheur. L’homme n’est pas très sympathique mais son histoire est touchante. DF écoute avec un intérêt poli.



vendredi 11 mai 2012

Alexandrin

Dormir sur le divan. Sacrilège? Parmi les voix, l'écho des anciennes voix qui y ont chuchoté, se sont confiées, ont murmuré, ont proféré leurs horreurs intimes. Étrange expérience. 

Mário de Sá-Carneiro, hôtel de Nice, 29 rue Victor-Massé, Paris 9e, 26 avril 1916.


«Le filtre de Fréchet n’est pas un ultrafiltre»
Nicolas Bourbaki


Sinon: Alain Connes: êtes-vous pro- ou anti-connien?