dimanche 2 décembre 2012

Deux décembre deux mille douze



Aujourd'hui anniversaire de ma mère et de ma fille aînée.
Soleil pâle sur la plaine.
Après avoir vu Astérix et Obélix au service de sa majesté, à quatre heures et demie, nous étions à l’hôtel-Dieu. Au sortir de l’ascenseur, nous avons entendu des bruits, au loin, au fond du couloir de l’Ozanne. Ma mère appelait de sa chambre. On ne sait pas si elles appellent quelqu’un, une aide, ou s’il ne s’agit que de s’exprimer, de dire à personne, d’une sorte de cri dans le vide. C’est la première fois que j’observe un tel comportement de la part de ma mère — mais je ne suis pas là toute la journée, peut-être y a-t-il des heures où elle crie dans le vide? Elle criait parce qu’elle s’ennuyait, seule dans son fauteuil roulant, la télévision éteinte, face au mur de sa chambre.
Notre arrivée lui a fait du bien. Elle a à peine exprimée sa surprise de nous voir. Un pâle rayon de soleil de décembre, mais un rayon.
Nous nous sommes installés dans la petite salle commune aménagée entre deux chambres. Un vieux buffet, une plante verte, une table en formica, une antédiluvienne télé. Maud a sorti le gâteau, les assiettes, les couverts, les serviettes en papier, les verres, le vouvray, les bougies. Bien entendu elle ne se souvenait pas ou plutôt elle ne savait pas, que c’était son anniversaire. J’ai pris des photos. Jusqu’à quand une photographie est-elle montrable? Les aides-soignantes, les infirmières en prennent à l’occasion d’événements, qu’elles affichent dans le couloir au vu de tous les visiteurs.
Maud moulin à paroles, mais pleine de tact, qui sait y faire. Maman a soufflé ses bougies, elle a à peine touché au vouvray, mais elle a fini sa part de gâteau. Maud comme d’habitude a fait toute la conversation, a animé la tablée, nous a égayés, nous a fait sourire, nous a fait rire. Cela a été un bon moment, nous avons été heureux.
Et puis soudainement ma mère a voulu regagner sa chambre. Je n’ai d’abord pas compris, j’ai cru qu’elle était fatiguée, que Maud et sa vivacité la fatiguait. Je l’ai remmenée dans son fauteuil roulant. J’ai compris, j’ai senti, elle avait fait dans sa couche.
Pourquoi les bonheurs ne peuvent-ils être parfaits?
Elle en a été consciente, elle aurait voulu rester plus longtemps avec nous, mais elle a estimé que décemment ce n’était pas possible, qu’il valait mieux rentrer dans sa tanière, être seule, ne pas être avec les êtres aimés, vivre sa douleur, sa honte seule, se cacher, se terrer.

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