mardi 20 novembre 2012

Le lapin

Madame Deuxpieds hier soir:
«Je ne mange jamais de viande.
— Et pourquoi?
— Depuis que j’ai vu ma grand-mère laisser mourir lentement, exprès, un lapin qui hurlait de douleur.
— Il y a longtemps?
— Oui, j’avais huit ans, c’était pendant la guerre. C’est pour cela qu’ici j’ai droit à deux parts de dessert.» (Cette dernière phrase dite avec une sorte de gourmandise dans la voix et un regard qui pétille à l’idée du plaisir futur.)

Ma grand-mère arrachait un œil du lapin avec un couteau pointu puis elle le tenait en l’air par les oreilles, le laissant hurler, attendant que le sang s’écoule lentement jusqu’à ce que la mort arrive. Cela durait une bonne minute. Il paraît qu’il n’en était que meilleur à manger. J’ai un film super-huit. On voit ma mère se boucher les oreilles et se détourner de la scène avec un rictus. Puis elle engueule sa belle-mère, scandalisée. Le film est muet, on ne sait pas ce qu’elle crie.

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