Robert Byron est vraiment un écrivain pour moi:
«Même les gens les plus âgés semblaient avoir perdu jusqu’au souvenir
de leur Créateur» [Russie soviétique].
«J’éprouvais un bref sentiment
de frustration: l’Himalaya se devait, dans mon esprit, d’offrir
autre chose que les Alpes. Et
aussitôt apparut ce violent, ce strident bleu de Prusse, ennemi de toute forme
et de toute couleur dans un paysage, ce bleu que nos grands-mères se plaisaient
à pointiller au pinceau depuis leurs hôtels suisses et qui explique pourquoi la
race allemande n'a jamais produit aucun peintre et n'en produira jamais, et
pourquoi il y a tant de lassants interludes dans la musique de Wagner»
[les lointains bleutés et les Allemands].
«Derrière lui [le Chomolhari] un massif secondaire, ligne déchiquetée
d'un blanc immaculé, s'allongeait vers le nord, abritant dans ses
anfractuosités de gros nuages gonflés et étincelants. Il n'existe pas de nuages
qui puissent se comparer à ceux-ci. S'ils ont la forme de ceux qui peuplent les
paysages chinois, la lumière dansante, l'essence même de la lumière, ni argent
ni or mais pure lumière, emplit leur ventre et leurs entrailles d'ombres aiguës,
tridimensionnelles, de sorte que leurs corps blancs protubérants deviennent
tangibles: il suffirait de les atteindre pour les saisir, les jeter en
l'air. Une couleur rose les pénètre: complément du ciel, du ciel d'un
outremer oppressant, sombre comme le creux des vagues, aussi proche que les visions mouchetées qui
fulgurent sous les paupières – ce rose dont le ton se retrouve sur la neige et
sur l'ensemble du pays, un rose emphatique d'une proximité surnaturelle»
[les nuages tibétains].
Tout me plaît en cet homme, et lorsque ses idées ou opinions ne sont pas
les miennes, j'abandonne aussitôt les miennes pour les siennes, fût-ce des
opinions de quarante ans (les lointains bleutés).
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