lundi 25 mars 2013

La mort de Julien Green



Elle se tenait derrière le chevet du lit et me dit soudain : «Partez.» Je ne bougeai pas. «Elle descend: 6 – 5», me dit-elle. Elle et son assistant me regardèrent tristement quand je demandai: «Ça veut dire quoi?» Ils ne répondirent pas: pour eux je ne savais donc rien de rien.
La réponse vint par une respiration très forte, suivie de plusieurs autres. Je parlai à Julien, «je suis là», je pris sa main et, comme s’il m’écoutait encore, sa respiration faiblit. Mais de nouveau il y eut une grande, une énorme respiration, forte, interminable. Le souffle dura, s’amenuisa jusqu’à un long soupir, je ne sais combien de temps cela dura, car le temps pour moi disparut tout à coup. Et il y eut le silence.
«Oui, murmura l’infirmière.
Je posai la main sur la poitrine de mon père.
— Non, dis-je presque triomphant, j’entends son cœur battre.
— C’est le vôtre que vous entendez», me dit-elle.
Eric Jourdan, in J. Green, 
Le Grand Large du soir, page 291


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