Extraits d’un roman des années trente. Je laisse mes
nombreux lecteurs chercher l’auteur. (Google Book donne la solution.) Je ne
commente pas.
«Le vert de cette salade ne te rappelle rien,
chérie?
— Non.
— Le manteau du donateur dans ce petit tableau que nous
avons tellement aimé, à Venise !
— C’est vrai ! Tu es extraordinaire chéri !
C’était de qui, déjà?»
«Comme il se penchait sur la jeune fille, il
s’aperçut que les ongles de ses orteils étaient passés au carmin. Cette
remarque leva inexplicablement son dernier scrupule.»
«Une langue vive caressa la sienne. Il avait
l’impression de manger un mets répugnant. Il voulait s’écarter, cracher cette
masse caoutchouteuse qui lui emplissait la bouche.»
«Et il rêvait à cet
organisme complexe de la femme, à cet éveil progressif du désir en elle, à ce
mûrissement sournois de leurs entrailles et de leurs formes. Une gamine végète
au plus touffu de la famille, innocente, ignorée, épargnée de tout et de tous,
mais il suffit que ses traits s’allongent, que sa taille se hausse, que s’enfle
un peu son corsage, et déjà les hommes s’occupent d’elle, rôdent autour d’elle,
reconnaissent en elle une bête à leur goût, l’appellent dans leur enclos, la
pourchassent, l’atteignent… Ah! cette phrase perfide: «Quel
âge a-t-elle donc maintenant? Seize ans? Elle en paraît
dix-neuf!…» Tout est permis. Et elle-même s’en montre ravie. Elle
est folle de batailler, de se donner, de souffrir. Le premier qui l’accoste est
le bienvenu. C’est de propos arrêté qu’elle refuse de le voir dans sa laideur
et dans son mensonge. Elle veut aimer, vite, n’importe qui, pour n’importe
quoi, mais que ce soit de toutes ses forces. Le monde est grotesque, puant,
méchant jusqu’à la nausée. N’est-il pas affreux de penser qu’après une longue
visite d’un ami, d’une maîtresse, il faut tout de même ouvrir la fenêtre parce
que la chambre sent mauvais. Mais nul ne le remarque et n’en souffre. Il y a
chez les hommes, chez les femmes, une immonde complaisance pour ce qu’ils ne
peuvent éviter. Les odeurs, les besoins physiques, les maladies ne tuent pas le
sentiment; on ferme les yeux, autour de lui. Il avait l’impression,
parfois, qu’on ne l’avait pas endormi pour subir l’interminable opération de la
vie. Une anesthésie soigneuse émoussait les douleurs des autres. lui seul était
éveillé, lucide, les chairs et l’esprit à vif. Le moindre attouchement le
faisait hurler. Oui, ce qui lui manquait pour accepter l’existence, c’était ce
narcotique précieux dont ses «semblables» étaient saouls comme des
brutes. Et ce narcotique était l’amour. L’amour seul pouvait produire leur
soumission à toutes les hideurs, leur sommeil artificiel au centre du
monde.»
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