dimanche 17 février 2013

Pathologiques (du temps qu’on se lavait pas tous les jours)


Extraits d’un roman des années trente. Je laisse mes nombreux lecteurs chercher l’auteur. (Google Book donne la solution.) Je ne commente pas.


«Le vert de cette salade ne te rappelle rien, chérie?
— Non.
— Le manteau du donateur dans ce petit tableau que nous avons tellement aimé, à Venise !
— C’est vrai ! Tu es extraordinaire chéri ! C’était de qui, déjà?»


«Comme il se penchait sur la jeune fille, il s’aperçut que les ongles de ses orteils étaient passés au carmin. Cette remarque leva inexplicablement son dernier scrupule.»


«Une langue vive caressa la sienne. Il avait l’impression de manger un mets répugnant. Il voulait s’écarter, cracher cette masse caoutchouteuse qui lui emplissait la bouche.»


«Et il rêvait à cet organisme complexe de la femme, à cet éveil progressif du désir en elle, à ce mûrissement sournois de leurs entrailles et de leurs formes. Une gamine végète au plus touffu de la famille, innocente, ignorée, épargnée de tout et de tous, mais il suffit que ses traits s’allongent, que sa taille se hausse, que s’enfle un peu son corsage, et déjà les hommes s’occupent d’elle, rôdent autour d’elle, reconnaissent en elle une bête à leur goût, l’appellent dans leur enclos, la pourchassent, l’atteignent… Ah! cette phrase perfide: «Quel âge a-t-elle donc maintenant? Seize ans? Elle en paraît dix-neuf!…»  Tout est permis. Et elle-même s’en montre ravie. Elle est folle de batailler, de se donner, de souffrir. Le premier qui l’accoste est le bienvenu. C’est de propos arrêté qu’elle refuse de le voir dans sa laideur et dans son mensonge. Elle veut aimer, vite, n’importe qui, pour n’importe quoi, mais que ce soit de toutes ses forces. Le monde est grotesque, puant, méchant jusqu’à la nausée. N’est-il pas affreux de penser qu’après une longue visite d’un ami, d’une maîtresse, il faut tout de même ouvrir la fenêtre parce que la chambre sent mauvais. Mais nul ne le remarque et n’en souffre. Il y a chez les hommes, chez les femmes, une immonde complaisance pour ce qu’ils ne peuvent éviter. Les odeurs, les besoins physiques, les maladies ne tuent pas le sentiment; on ferme les yeux, autour de lui. Il avait l’impression, parfois, qu’on ne l’avait pas endormi pour subir l’interminable opération de la vie. Une anesthésie soigneuse émoussait les douleurs des autres. lui seul était éveillé, lucide, les chairs et l’esprit à vif. Le moindre attouchement le faisait hurler. Oui, ce qui lui manquait pour accepter l’existence, c’était ce narcotique précieux dont ses «semblables» étaient saouls comme des brutes. Et ce narcotique était l’amour. L’amour seul pouvait produire leur soumission à toutes les hideurs, leur sommeil artificiel au centre du monde.»


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