Les Femen dans Notre-Dame.
À cette occasion
on a ressorti l’affaire Mourre.
(Cohérence: on en parlait la semaine dernière.) Un ami estime que l’acte
de Mourre avait du «sens», de la gueule, était une
«vraie» provocation (mais qu’est-ce qu’une fausse
provocation?) alors que nos Femen ne sont que des pitres. Annie Ernaux
raconte quelque part (ou plus exactement, ce n’est pas elle qui se rengorge de
ce haut fait, mais son amant de l’époque) comment elle a fait l’amour dans
l’église Saint-Sulpice face à l’immense fresque de Delacroix. Une amie,
protestante antipapiste, m’a raconté comment elle avait fait une fellation au
même endroit. Coïncidence? mimétisme? Je ne crois pas trop en ces
vantardises. D’abord il y a trop de passage dans la chapelle des Anges. Est-ce
donc une légende qui circule, que chacun s’approprie? Ou un fantasme qui fascine
par son symbole? Saint-Sulpice a toujours été un bâtiment privilégié pour
les anticléricaux de tous poils (les bobos d’entre les deux guerres: «les
tours de Saint-Sulpice je pisse contre»; les situationnistes, etc.;
ça doit être le quartier qui veut ça).
Toujours est-il que je ne suis pas choqué
plus que ça par les seins nus des Femen à l’intérieur de Notre-Dame. On en a vu d’autres. Après
tout, dissimulés par des bouts de tissu, chacun entre dans les églises avec ses
ulcères, ses intestins malades, avec son âme indifférente, avec ses hypocrisies
et son appareil photo, avec ses péchés. (Chaque dimanche matin, à Chartres, les
Japonais photographient les fidèles comme ils font des tribus africaines ou des
animaux rares des parcs zoologiques.) Les Femen ont abîmé les cloches, qu’elles
paient les réparations. Ce qui me gêne le plus c’est leur manière d’être, leurs
gestes inélégants, leurs bras lancés comme des battoirs; il y a en elles
une pesanteur de mâles qui ne les rend pas séduisantes. Est-ce ces gros traits
de feutres noirs qui leur barbouillent le torse, elles n’ont pas de belles
poitrines. C’est là leur plus gros péché: elles ne sont pas sexys… Eh
oui, elles sont de leur époque, et leurs corps révèlent leurs esprits: là
où Mourre agissait par conviction, elles répètent une action qui a été jouée
mainte fois et qui aujourd’hui, comme toute chose, n’est plus qu’un spectacle
parodique. La joie est absente.
Les églises sont des lieux de vie où le
tout de la vie a toujours pénétré, église consacrée ou pas. On a dû interdire
d’y fumer dès la fin du dix-septième siècle; au moyen âge, certains
nobles y entraient à cheval; les bulldozers sont entrés avec la bénédiction
des autorités dans Saint-Jacques d’Abbeville la semaine dernière;
dans la cathédrale de Reims, lors
d’un concert de Nico (vers 75), «my generation» abandonna tous ses
détritus dans la nef, et ses mégots de shits derrière les colonnes.
Mais. Il y a que.
Ce que je n’oublie pas.
C’est le meurtre de Thomas Becket, et les 350 habitants d’Oradour brûlés vifs dans l’église de leur village le 10 juin 1944.
C’est le meurtre de Thomas Becket, et les 350 habitants d’Oradour brûlés vifs dans l’église de leur village le 10 juin 1944.
En ce qui concerne la démission du pape.
J’ai une qualité: ce qui s’est passé hier est aussi présent (ou aussi
passé) pour moi que ce qui est survenu il y a mille ans, à la fois tout à fait
disparu et vivant à jamais. Alors entre les Borgia à la Renaissance, les papes
d’Avignon, toutes les vicissitudes de la papauté, à l’aune des siècles, je ne
trouve pas la démission du pape «inouïe». On en a vu d’autres. On peut relire le tome
VII de l’histoire de l’Église de Fliche et Martin, celui qui concerne le
dixième siècle.
(NB à l’attention des gobe-mouches:
la papesse Jeanne n’a jamais existé.)
En gros, faites ce que vous vous voulez tant que vous continuez à m'inspirer du désir.
RépondreSupprimerSi j’avais su écrire j’aurais réussi à exprimer un peu mieux ce que je voulais dire.
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