samedi 22 décembre 2012

Serviette sur la tête


À la maison de retraite je suis arrivé si tard que c’était l’heure du coucher. Dans les couloirs plusieurs aides soignantes emmenaient par la main des vieilles claudicantes, branlantes, tremblotantes. Maman, elle, était dans son lit bien calée, bien au chaud, calfeutrée depuis longtemps.
J’ai croisé sa voisine assise sur un énorme fauteuil qui barrait le passage au milieu du couloir. Elle m’a demandé si je pouvais l’emmener dans sa chambre. Bien volontiers. Je lui tends la main. Non, elle refuse. Je lui propose le déambulateur tout proche. Non. Elle ne peut pas marcher. Ah ! À cette heure elle ne peut pas marcher ? Et cependant le reste de la journée elle marche. (Toujours ce manque de volonté, cette envie de tout laisser aller, d’abandonner…)
Un vieux piétine, tiré par la main par une aide-soignante. Il a sa serviette de table qui lui couvre le crâne comme un châle. L’aide-soignante a certainement insisté plusieurs fois pour la lui enlever, puis elle lui a laissée par lassitude : après tout, s’il veut garder sa serviette sur la tête…
Je croise madame Deuxpieds, fervente partisane de la fin du monde — laquelle devait avoir lieu dans la soirée d’hier. Je l’apostrophe:
« Alors ? cette fin du monde?
— Ça devait être la fin d’un monde, pas la fin du monde.
— Reconnaissez que c’était des bêtises…
— Et 39-45, dites-moi, c’était des bêtises ? »
Elle est la seule avec qui on peut discuter un peu, faire un raisonnement minimal. Et elle a réponse à tout. 



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