Pour
s’y retrouver:
Ramsgard
= Sherborne
Blacksod :
Yeovil
Pour s’y retrouver, les quatre grands romans :
Wolf Solent (1929)
Glastonbury Romance (1933) ;
Weymouth Sands (1934) ;
Maiden Castle (1936).
Et l’autobiographie est de 34.
Ci-dessous, extraits de Wolf Solent.
«Alors,
tandis que les brumes à l’odeur d’herbe se faisaient plus
fraîches contre son visage, montant des prairies silencieuses de
Blackmore vers les champs labourés, l’antique serpent de la luxure
releva de nouveau la tête dans cette vaste nuit.» (144).
«Son
visage n’avait rien de remarquable, le format et l’aspect de son
livre révélaient qu’il s’agissait d’un roman modeste, mais,
en regardant cette femme assise là, dans cette pièce médiocre, à
minuit, une indescriptible impression du drame de la vie pénétra
Wolf. Dans toutes les directions, sur des lieues et des lieues, de
vastes pâtures s’étendaient, silencieuses dans leur sérénité
ouatée et trempée de rosée. Mais là, près de ces deux flammes
pointues, une conscience isolée conservait le vieil intérêt
familier pour l’amour, la naissance, la mort, tous les hasards
imprévus des événements humains. Cette simple figure pâle avec
ses lunettes devint pour lui, à ce moment, un petit îlot de chaude
conscience humaine au milieu de l’inhumanité de l’immense
nuit.» (183).
«Ici
c’étaient des commerçants de Ramsgard, cossus et satisfaits, avec
leurs femmes et leurs filles, là des rouliers burinés de Blackmore,
des fabricants de cidre et des maquignons de Sedgemoor, de robuste et
mélancoliques bergers des hautes terres des Quantocks, une poignée
de riches fermiers de la lointaine vallée de la Frome, des laitiers
malins des opulents pâturages de la Stour, et, circulant parmi eux,
avec leur pas lourd et leur voix lente, et aussi leur goût prononcé
pour la plaisanterie, les journaliers du cru, qui travaillaient la
terre grasse des champs arrosés par la Lunt.» (190).
«Quand
cette orgie d’émotion mystique se dissipa, ce qu’elle ne tarda
pas à faire, le laissant aussi vide et détendu que s’il avait
marché non des minutes mais des heures, il s’aperçut qu’il y
avait encore deux problèmes irritants qui lui tourmentaient
l’esprit, semblables à des méduses restées à sec après la
marée sur un banc de galets.» (212).
«“Les
jeunes et les vieux, c’est tout pareil pour le beau sexe, hein!
Mr. Solent? Les domestiques savent peut-être mieux ça que les
maîtres. Pauvre ou riche, il n’en est pas une qui n’ait souhaité
coucher ailleurs que dans le lit de son mari, pas vrai?”»
(353).
«“Il
y a autre chose dans le monde que coucher avec les gens. Ça n’a
même rien d’extraordinaire. J’aurais cru qu’un poète savait
ces choses-là, et je suis étonné de vous voir attribuer tant
d’importance à ces incidents matériels.”» (355).
«Il
souffrait, simplement, et cette souffrance était quelque chose de
tellement nouveau pour lui que ses forces de raisonnement se
trouvaient prises au dépourvu. Il était comme un homme qui aurait
passé toute sa vie à chasser le léopard et qui se retrouverait,
tout d’un coup, chargé par un rhinocéros!» (368).
«“C’est
la faiblesse de ton caractère, se disait-il. Ta veulerie et ta
crédulité !”. Il se souvint alors de l’accès d’énergie
soudaine qui l’avait fait soulever le loquet de la grille ; et
il compara cet éclair d’inspiration avec sa prostration présente.
Ne se connaissait-il donc pas lui-même ? Ce qu’il ressentait,
à présent, était une complète désintégration de tout désir et
de toute volonté. Il lui semblait que sa conscience n’était
qu’une toute petite flamme vacillante, non, pas même une flamme,
une vapeur à peine visible, flottant au-dessus d’un chaos de
désirs, d’intentions, d’aspirations, d’espoirs et de regrets
contradictoires, désorganisés au point de s’annihiler
mutuellement. Ils lui semblèrent bien lointain aussi, ces sentiments
qui auraient dû être les siens, lointains et infiniment
méprisables ! Le seul désir que cette conscience faible et
flottante conservât était celui de leur échapper totalement. Car,
tout désorganisés qu’il fussent, il émanait d’eux une vague
nausée paralysante qu perturbait la conscience faible et libre de
Wolf, comme un corps en putréfaction aurait pu perturber quelque
frêle animula vagula sur le point de lui échapper.» (375).
«Les
trois mois d’automne qui suivirent la fête de l’école furent
pour Wolf, à mesure que les jours devenaient plus courts et plus
sombres, comme une lente marée montante, puisant la masse de ses
eaux à des distances et à des profondeurs hors de son atteinte et
menaçant de submerger presque entièrement le front rocheux et
tourmenté qu’il avait jusque-là dressé en face de l’univers.
Quelque chose dans la chute des feuilles, dans la lente dissolution
de la végétation autour de lui, rendait plus mortelle cette menace
à l’intégrité de son âme. Il n’avait jamais compris le sens
du mot «automne» jusqu’à la venue de cette arrière-saison du
Wessex qui accumulait ses «trophées de nuages» sur son chemin et
pénétrait avec ses senteurs âcres et douces jusqu’aux
profondeurs cachés de son être. Toutes les calamités qui
survinrent pendant cette fin d’année semblaient avoir fermenté
dans une cuve vaseuse de végétation, comme si les chemins bourbeux
et les taillis de noisetiers — et la terre même du Dorset —
étaient de connivence avec les circonstances humaines.» (417)
«“Il
est absolument impossible, se disait-il, de parler à une femme d’une
autre femme sans trahir l’absente. Il leur faut du sang. Chaque mot
qu’on prononce doit être une trahison, sinon elles ne sont pas
satisfaites.”» (421)
«Il
leva les yeux des chaumes mouillés et parcourut du regard le
panorama verdoyant de la grande vallée. Alors il fut envahi d’un
immense dégoût pour les indécences furtives de la vie humaine et
animale sur la terre. “Ce serait beaucoup mieux, pensait-il, si
toues les hommes et toutes les bêtes disparaissaient et s’il ne
restait que les poissons et les oiseaux! Que ce serait beau si tout
ce qui copule, tout ce qui porte ses petits, était balayé de la
surface du globe dans quelque grande catastrophe, ne laissant que ce
qui a des plumes et des nageoires”» (442)
«Il
se mit à arpenter le champ de long en large d’un pas plus ferme.
Il marchait dans un sens puis dans l’autre, et le soleil, presque à
l’horizon, donnait à la surface du champ une apparence
surnaturelle. Des pétales de boutons-d’or s’accrochaient à ses
jambes, à sa canne ; leur pollen couvrait ses souliers. Cette
opulence dorée qui l’entourait envahit son esprit d’étranges et
lointaines associations d’idées. Les ornements d’or, tissu sur
tissu, feuille sur feuille, qui recouvraient les morts dans le
tombeau d’Agamemnon, les pilastres d’or des palais d’Alcinoüs,
la pluie d’or qui ravit Danaé, la Toison d’or qui perdit Jason,
le nuage d’or dans lequel l’infortuné Titan étreignit Héra, la
flamme d’or dans laquelle Zeus enlaça Sémélé, les pommes d’or
des Hespérides, les sables d’or des Îles bénies, toutes ces
choses, non sous leurs apparences concrètes mais dans leur essence
platonique, faisaient chanceler son esprit. Cela devenait un symbole,
un mystère, une initiation. C’était comme cette figure de
l’Absolu dans l’Apocalypse. Cela devenait une “super-substance”,
de la lumière précipitée et pétrifiée, le cœur magnétique du
monde rendu visible.» (650).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire