Je suis assis sur un banc du square Chérioux. Une
femme vient me demander du feu.
«Je
peux m’asseoir?»
Je lui fais signe que oui. Elle dit:
«Je suis de la Fraction armée rouge, vous connaissez?»
Je lui dis que oui.
«Vous en êtes?»
Je lui
réponds que je connais un peu par les journaux.
«Vous êtes
un menteur. Dites-moi ce que c’était.»
Elle lance le nom de
Baader. J’insiste bêtement: je connais toute cette vieille histoire par ce
qu’on en a dit à l’époque dans la presse. Soudain elle se lève
et part.
«Au revoir», dis-je à haute voix, mais elle
ne me répond pas, ne se retourne pas.
Quand je quitte mon banc, je la
croise rue de Vaugirard. Je crois d’abord tant elle a l’air
ailleurs qu’elle ne va pas me voir ou pas me reconnaître, mais
elle m’aborde à nouveau:
«Vous savez où il y a un tabac?» Puis tout de suite:
«Donnez-moi votre briquet rouge.»
Je
refuse et lui montre l’enseigne de tabac qu’on aperçoit au loin,
en face de la rue Fourcade.
«Accompagnez-moi.
— Non.»
Je lui explique que je tourne à droite rue Maublanc, que je suis
arrivé.
«Alors je vous suis!»
Je lui dis que ce n’est
pas possible. J’ajoute un peu bêtement que là où je vais il y a
des gardes du corps.
«Je veux voir les gardes du corps.»
Comme
je suis à l’entrée du 14, elle interpelle les passants:
«Il
ne veut pas que j’aille chez lui.»
Puis:
«Vous
connaissez la Fraction armée rouge? Ce
monsieur est de la Fraction armée rouge.»
Une passante a le
malheur de lui dire qu’elle en a entendu parler. Alors elle la
suit. Je rentre sous le porche.
Et déjà j’entends des éclats de
voix qui proviennent de l’angle de la rue. La passante ne la supporte déjà plus.
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