vendredi 4 juillet 2014

Mercredi 4 juillet 1984


Nous sommes partis dimanche vers 4 heures et demie de l’après-midi. Dépose de la 4L au 142 chaussée Jules-César et en route pour les vacances.
« On va en vacances » dit Macaronie.
Déjà des embouteillages à Saint-Denis et sur l’autoroute du Nord vers Paris. Peu de monde en revanche sur l’autoroute du Sud. Arrête premier en Bourgogne. Macaronie désagréable, je lui crie dessus. Souvent maladroit mais je ne m’en rends pas compte et si je me rendais compte je ne le serais pas. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Elle pleure et se met en colère si bien qu’elle en pisse sur son siège. Je prends le volant au sommet de la côte d’Or, manque de m’endormir ; nous nous arrêtons de nouveau un peu plus loin. Un bon café, un chewing-gum (Hollywood menthe) de l’air dans la voiture me réveillent et je reste en forme jusqu’à l’arrivée. Monotonie de ce parcours, épique depuis Cortazar. On n’entrevoit à peine Lyon. Les filles s’endorment après maints geignements un peu avant que la nuit tombe. B remarque qu’en beaucoup d’endroits du parcours on hume des odeurs désagréables qui n’étaient pas avant. Feyzin bien sûr mais aussi d’autres points : égouts, produits chimiques. Vers deux heures et demie moteur ralenti, silencieux dans le silence de la nuit provençale nous glissons dans Noves, dans Châteaurenard, dans Saint-Rémy sans voir la silhouette des Antiques endormis.
A l’arrivée au Baux nos prédécesseurs n’ont pas encore quitté la maison mais ils logent dans la petite dépendance et ne nous gênent pas. On sort furtivement, en silence, les enfants et les valises.
Lundi. Le matin de bonne heure – neuf heures disons – Macaronie et moi allons à Maussane acheter des croissants pour le petit déjeuner, et puis plus tard nous allons au supermarché dans les faubourgs d’Arles – chaleur étouffante – et puis nous allons déjeuner… où… où…? ah oui, place du Forum, vers deux heures, trois heures de l’après-midi, et nous rentrons faire une longue sieste. Nous dormons tous les quatre à cause des fatigues de la veille. Le soir nous reprenons la voiture, retraversons Arles embouteillée, pour rejoindre Salin-de-Giraud et la plage dite d’Arles. Une plage de bout du monde, sable gris parsemé de caravanes-taudis. Vent qui nous apporte des odeurs de merguez, végétation chiche, mer morte au bleu mat, soleil de soir du monde. À l’étang de Vaccarès, le crépuscule de fin du monde n’empêche pas les filles de faire des pâtés. le soleil s’éteint vraiment. Beaucoup de flamants, de petits lapins peu farouches qui se grattent les oreilles à quelques mètres.
Hier matin lever tôt, neuf heures, et en route pour les Saintes-Maries. Petit café le long de la digue. En voiture nous longeons jusqu’à la pancarte « propriété privée » cet absurde chemin de l’est coincé entre la vase des résidus d’eau boueuse, la même mer morte du jour précédent et des marais peut-être salants ou marécages. Nous passons quelques heures plus près de la ville sur un recoin de plage presque agréable, le soleil cuit fort, dissimulé derrière un vent qui rafraîchit. Pique-nique sur la plage puis repos sous le premier arbre trouvé, à douze kilomètres de là, au nord des Saintes-Maries. B lit Schnitzler. Nous retournons aux Saintes. Je passe deux bonnes heures chez un coiffeur muet comme un poisson qui se met à parler et plaisanter quand l’un de ses copains arrive, un coiffeur qui fignole à la petite brosse, au pschtt pschtt et au rasoir. B et les filles pendant ce temps errent dans les rues piétonnes chargées de boutiques à touristes. Nous entrons quelques instants dans l’église – style pur. J’aime bien aussi tous les cierges dans la crypte. Nous en mettons un dans chaque église, trois francs, c’est Macaronie qui veut ça. Aujourd’hui à Saint-Agricol ou Notre-Dame des Doms elle en a mis un (une bougie dit-elle) pour sa tante (ça ne peut pas lui faire de mal). Après les Saintes-Maries ,Saint-Gilles, où nous jetons un coup d’œil distrait sans sortir de voiture à cette façade que, décidément, quatre ans plus tard, nous n’aimons toujours pas. À Beaucaire et Tarascon nous cherchons désespérément où dîner. Il reste la tour triangulaire, rien de la foire qu’un parking sous les arbres, rien du souper puisque pas même une gargote. À Tarascon des militaires cherchent un cinéma. Cependant le pont sur le Rhône, le château et l’église illuminés par le soleil du soir sont assez beaux. Nous dînons à la pizzéria x à Saint-Rémy.
Aujourd’hui nous passons la journée en/à Avignon. Départ par le val d’Enfer, passage de Maillane, de Rognonas, visite de saint-Agricol ; assez intéressante mise en valeur des ruines romaines découvertes à son chevet. Errances le long des rues sans voiture, déjeuner d’une crêpe et d’une salade à un angle de rue. La place du Palais est en effervescence, ce soir ils accueillent Mireille Mathieu, aussi le musée Campana ferme à cinq heures et le parc des Doms est déjà fermé. Hormis une partie de la façade et, pour le principe, les fresques effacées de Martini, on ne peut dire que je sois séduit par Notre-Dame des Doms.
B en revanche commence à être séduite par les primitifs italiens, leurs enfants Jésus difformes, leur Vierges aux yeux de Chinoises et au front bas, leur ciels d’or, leurs anges qui planent ou qui font des piqués, les roses, les verts, les bleus et les montants de bois dorés. On cherche désespérément la Tarasque de Noves qui a déserté la chapelle du lycée.
(À Beaucaire, non pas le souper mais le triangle et la courbe. Ne pas oublier l’oratoire elliptique à l’ouest de Saint-Agricol ; dans la chapelle du lycée une scène de halage gallo-romain réjouit le cœur.)
Le vent qui souffle tout le jour rafraîchit l’air dans les ruelles étroites sans soleil. Un verre sur le coup de sept heures place de l’hôtel de ville. Peu de filles jolies sauf peut-être les deux petites musiciennes qui jouent du Telemann.
Retour par les Antiques, magnifiques monuments, splendides, exaltants. Qu’est-ce que j’y mets comme mythe derrière : toute la gallo-romanité !
Ce matin, une demi-heure de course à pied autour de la montagnette qui domine la maison avec des muscles noueux.
Macaronie a une mémoire de gros éléphant. Bidibulle s’émancipe et marche de plus belle, pas toute seule, pas encore.
Les filles, après une journée sans sieste, à dix heures et demie n’ont toujours pas sommeil.

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