lundi 16 juin 2014

Vendredi 16 juin 2000



Dans les brumes du sommeil. Je parle beaucoup le matin peut-être parce que je ne suis pas encore connecté à l’horrible vie quotidienne avec les autres, ils ne m’inhibent pas, ils ne me polluent pas l’esprit en venant me rappeler leur existence, je suis encore sous l’emprise des rêves où la vie de l’esprit est plus vagabonde.
Ce matin, à peine levé j’écris non pas ce que je pense, ce que je cherche mais ce que je trouve sans chercher, ce qui est là tout seul, comme si ce n’était pas de moi mais quelqu’un d’autre qui parlait tout seul en moi:

«Goût des lèvres: on ne peut le connaître c’est-à-dire l’apprécier avec justesse que par comparaison.»

«L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, ceux qui se couchent tard ont le présent, ceux qui ont des insomnies leur passé, quant à ceux qui dorment beaucoup, il leur reste toujours la vie des rêves.»

«Allez, sois gentille, juste un peu, avant qu’elles soient souillées par le café, les croissants, les cigarettes, les poussières des chemins, le bruit, le brouillard des mots, avant qu’elles appartiennent aux autres, qu’elles aillent vivre leur vie sociale, pendant qu’elles ont encore leur pureté nocturne, qu’elles n’ont proféré aucune phrase humaine, qu’elles n’ont été touchées par personne, laisse-moi goûter tes lèvres.»

Mais non seulement je parle mais encore je suis à l’écoute:

Nouvelles du monde: un type tire sur les automobiles qui passent sur le boulevard périphérique parisien; un banquier est inculpé pour détournement de biens sociaux (qu’est-ce que c’est que cela, des «biens sociaux», y en a-t-il d’autres?), il s’appelle comte de…; les soldats algériens de la première guerre mondiale touchaient une solde quatre fois moindre que les soldats français.

Et puis une heure plus tard, l’esprit est brouillé par les ondes radioactives du monde, je n’ai plus qu’à me recoucher, il n’y a plus rien à faire dans ce monde. À moins qu’on ne se recouche pas seul: où il reste encore quelques bricoles amusantes et agréables pour s’occuper, n’est-ce pas? je ne vais pas te détailler ce que tu connais si bien: léchage, suçage, production de variées humidités entre deux douches.

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