lundi 23 juin 2014

Dimanche 23 juin 2002



Ce matin à six heures j’assiste à un accident. Peut-être le seul à voir. Une petite voiture blanche seule sur la route, sur la voie de gauche qui vient de Rueil monte sur le terre-plein central, arrache le feu tricolore, pivote sur elle-même en se balançant, oscillant, chaloupant, avant de s’immobiliser en travers de la route. 
J’étais en train de prendre une photo de nuages (splendides encore une fois, le soleil levant caché par une barre noire qui vers le haut s’effiloche en petit moutons blancs jusqu’à un ciel pur d’un bleu encore sombre).
Je n’appelle pas la police persuadé que quelqu’un d’autre le fera. Lorsque je prends mon café je m’énerve parce que les secours n’arrivent pas. Comme je ne vois pas le ou les passagers sortir je m’inquiète davantage. Deux ou trois conducteurs d’autres voitures regardent, sortent de leur véhicule, se penchent sur le siège du conducteur, qui m’est caché par un prunus de la contre-allée, puis repartent. 
La police et les pompiers arrivent. Un pompier sort une énorme bonbonne qu’il approche de la voiture mais n’utilise pas. Les pompiers du samu ne font rien. Je m’imagine alors que le conducteur est mort. Puis, imagination galopante, que c’est parce qu’il m’a vu prendre une photo, parce qu’il avait été intrigué et avait détourné les yeux de l’autre côté pour voir ce que je photographiais qu’il est mort. Je suis responsable de sa mort.
Mais quelques minutes plus tard une jeune femme en vêtement de sport, décontractée, sort de la voiture du samu et répond au questions des policiers (je ne l’avais donc pas vu y entrer). 
Enfin une dépanneuse vient ramasser la voiture et les pompiers balaient les débris. La bonbonne n’était pas une bouteille d’oxygène, trop grosse, mais un extincteur. Je suis impressionné par le nombre de papiers que plusieurs de ces hommes remplissent, pompiers, policiers, le conducteur de la dépanneuse, et même deux passagers d’une petite voiture blanche qui a stationné une minute à quelques mètres et qui est repartie très vite, encore des policiers, en civil — je suppose que ce sont des policiers. 
Très peu de badauds, des lève-tôt qui promènent leur chien, Jean-Pierre l’ex-tapissier qui est bien du genre à fourrer son nez partout, une vieille de l'immeuble d’en face en robe de chambre. 
Une heure plus tard, nulle trace, cet accident n’a pas eu lieu.


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