Dimanche. Encore la
famille, le passé, les cimetières. A 14, A 15, forêt de L’Isle-Adam,
Persan. Première halte-souvenir: Boran et sa piscine, ruine abandonnée
depuis peu. Saint-Leu-d’Esserent. Je n’aime pas cette église, sauf par le
souvenir de la photo de Marcel Proust devant le porche. Puis la route de ma
grand-mère: Mello, Cires-lès-Mello. (J’ai lu ce matin que Rousseau avait
envisagé de se retirer sur proposition du duc de Luxembourg à Mello.) Château,
le cavalier au portail de l’église. Plusieurs modestes églises gothiques de
villages le long du Thérain, que j’ai bien connues autrefois, presque oubliées
aujourd’hui.
Le long du Thérain usines
anciennes en ruine, région de vieille tradition ouvrière, aujourd’hui mêlée:
paysans ou anciens paysans déclassés, prolétariat, français, arabe, noir,
chômeurs, classes pauvres de la région parisienne qui viennent jusqu’ici pour
pouvoir se loger à prix encore raisonnable. Ils achètent de très médiocres
pavillons avec un bout de terrain, illusion de la campagne. Non pas que ce ne
soit pas la campagne mais une campagne étriquée. Tout est
étriqué dans ce petit pays. Il fut un des centres de la brillante France
gothique, et bien avant du pouvoir carolingien, il ne ressemble plus qu’à une
friche. Traversée de la forêt de Hez par des pistes de terre entre les
fondrières.
Étouy, arrivée par la gare, totalement
disparue, effacée, par les ronces, le temps qui passe, ou plus sûrement pas la
nouvelle route à quatre voies qui joint Clermont à Beauvais. Le long de la
rivière, annoncée à Ronquerolles comme la Brèche, dans mon souvenir ma
grand-mère disait la Nonette. Je reconnais la maison.
Le cimetière, les tombes
dévastées par le temps et le vandalisme. Le cimetière est en pleine réfection. L’on l’a vandalisé,
mais aussi nombre de tombes sont oubliées, plus un vivant n’en prend soin,
les descendants ne savent plus, ils sont en ville, loin d’Étouy. Étouy oubliée,
perdue vers le nord, sous un ciel bas, d’une tristesse si profonde. Et l’on ne
peut même pas dire un désespoir pathètique, romantique, non! une pauvre
petite tristesse sans nom, médiocre. Endroit adéquat pour un cimetière, le
cimetière d’un monde oublié, abandonné, qui se meurt, un monde fini. Les
vandales n’ont plus qu’à finir le travail, ce que je dis plus haut ?
Bah ! les pillards de sépulture, on a toujours connu cela, depuis des
millénaires.
La tombe Lejeune, à l’angle gauche en rentrant. La tombe Ardouin
que je photographie avec tous ces noms et ces dates, mais réflexion faite je ne
sais plus si ce nom, Ardouin, est dans l’arbre généalogique. La tombe de mes grands-parents, la tombe de mes arrière-grands-parents. Et soudain je pleure. Léon
Lejeune 1870-1950 ; Victorine Lejeune, née Noirez 1877-1955 ; Armand
Leneveu, 1898-1986 ; Madeleine Leneveu, née Lejeune, 1901-1989.
Je cherche vainement la tombe de Suzanne,
maman m’a rappelé son nom hier: Seghers.
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