Coïncidence, cohérence, et
pourtant je ne pars jamais à la même minute, ce n’est pas mon genre, chaque
dimanche matin je les découvre qui marchent devant moi dans l’avenue du
maréchal Leclerc. Cette avenue, le dimanche, autour de neuf heures du matin,
est très déserte. L’une, la plus petite, a les cheveux gris ou blanc, l’autre
doit être bien plus jeune, plus grande, plus fine, elle a une chevelure rousse,
et des jambes comme des allumettes. Elles sont toujours habillées de la même
façon, pas élégantes, pas “classe”. Elles se donnent toujours le bras, serrées
l’une contre l’autre. Je me suis demandé si c’étaient deux amies, la mère et la
fille (le mari allant dans un café jouer au PMU), deux religieuses qui
vivraient dans une hlm, formant une minuscule communauté avec deux ou trois autres,
ou alors deux anges inconnus de tous, qui ne sont pas de notre Terre. Je fais
un peu le stalker bienveillant, parce qu’elles ne marchent pas vite et que je
suis obligé de ralentir mon allure pour ne pas les dépasser. Je ne les ai jamais
vues de face.
Je serais incapable de les reconnaître. Toujours elles prennent
le même chemin. Il y a d’autres églises et d’autres cérémonies, à d’autres
heures, plus proches de notre quartier que la cathédrale et sa messe de neuf heures.
Mais justement cette messe est tôt, pratique si l’on a à faire après, cette
messe est la seule qui est en grégorien, et cette messe a lieu dans un des plus
beaux monuments de France. Je ne les ai jamais vues de face et, dans la cathédrale,
jamais je ne m’aviserais de m’asseoir intentionnellement près d’elles. Elles
sont très pieuses, avec un peu d’ostentation : agenouillements, etc. À la
sortie elles repartent comme elles sont venues. Elles n’adressent jamais la
parole à personne. Je les suis rarement alors. La filature de neuf heures est
fortuite, celle de dix heures serait délibérée, et donc malvenue. Cependant il
m’est arrivé, une des rares fois où je rentre aussitôt, de les retrouver le
long du chemin. Au retour toujours elles prennent l’avenue du maréchal Patton,
laquelle, à partir de la place Jeanne-d’Arc, s’écarte progressivement de
l’avenue du maréchal Leclerc. J’en déduis logiquement qu’elles habitent pas
loin de chez nous, entre les deux avenues. J’ai imaginé que c’était parce
qu’elles allaient acheter leur pain à la boulangerie qui est à l’angle de notre
rue qu’elles prenaient ce chemin au retour, mais ce n’est pas cela. Elles
continuent tout droit. Je ne les jamais suivies jusqu’à chez elles. Et je ne
les ai jamais croisées dans le quartier un autre jour de la semaine.
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