dimanche 31 mars 2013

FB mars 2013



Ultime citation: «On a perdu Patrick je crois.»

La citation du jour:
«J’aurais aimé être un obscur traducteur gallois de la Bible au XVIe siècle. 
— Oh, vous auriez trouvé à redire à cette époque aussi…»

Patrick va circonscrire son pomœrium.

Il ne faut pas confondre Den Haag et La Hague.
Patrick encourage vivement ses “amis” Bachar et Kim à préparer leur baluchon afin de passer une retraite paisible à La Haye.

Quelques flocons de neige…

«Mais ne désespérons pas trop vite: le pire n’arrive que huit ou neuf fois sur dix» (Martin du G).

«Je ne suis pas opposé à ce qu’on aille plus loin dans la pédagogie. Il faut utiliser les outils de la boîte à outils.» (débat politique)

La citation du jour (par un ami d’ami… zut je ne sais plus lequel):
«Nous avons déjà un peu de jurisprudence sur la perception de l’expression “pieds nickelés” par le juge, dans le cadre d’une plainte pour injure publique. Dans un arrêt du 2 août 2011, la Cour d’Appel de Montpellier écartait l’injure au motif que les personnages des Pieds Nickelés étaient perçus comme “peu scrupuleux, ingénieux, débrouillards, mais dont l’attitude attirait la sympathie du public, notamment en raison de leur absence de réussite” et que, finalement, “cette expression adoptant un ton humoristique, les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis”.»

La citation du jour, de LM (ami d’ami):
«Le juge: “donc, Monsieur, vous avez écrit à votre épouse: tu vas mourir enculée?” 
Le mis en examen: “oui, j’ai oublié la virgule”!»

Patrick n’a vraiment peur de rien.

Encore un dadaïste mélenchonien: 
«Vous me direz, si une bombe explose le 24 mars sur les Champs à cause de la Manif pour tous, c’est pas moi qui vais pleurer» (Pierre Bergé).

La citation du jour: «Même au repos le cerveau demeure très actif.»

Mélenchon, le crétin absolu: «Casablanca était une ville plus moderne que Clermont-Ferrand.»

Un de mes deux gendres préférés (je dis ça parce que, hélas, je ne connais pas les deux autres, s’ils me lisent qu’ils sachent que je les attends) est le Picasso de la tondeuse. Il faut le voir lorsqu’il me coupe les cheveux et qu’il s’éloigne pour me regarder en face, de loin, pour vérifier si un poil dépasse, avec sa tondeuse en main, on dirait Manet qui se demande s’il ne va pas rajouter une touche de jaune pâle à son Olympia.

On nous apprend qu’aujourd’hui c’est l’anniversaire de Boulez.

Sallie Ford & The Sound Outside: I Swear

Ouh la Nicole! même ton âge qui s’affiche. A toi le meilleur des anniversaires. Grosses bises

Coïncidence: la rue de Reverdy est le prolongement de la rue Philippe-Desportes. Cohérence échevelée du monde.

Aline! bon anniversaire! Plein de grosses bises!

Patrick a découvert un certain Hervé Bougel, se disant Éditeur…

Ils tentaient de revendre 450 kg de crucifix, vierges, et. Et plaques d’égout

La deuxième citation du jour:
«C’est un problème qui traverse le cinéma dans son ensemble. Y compris la critique. Une forme de domination du mâle blanc hétérosexuel catastrophique. C’est une manière d’écarter la concurrence des femmes, des Arabes, des Noirs, des homos, qui fait terriblement baisser le niveau général» (Jeanne Balibar).

La citation du jour: 
«Pour conclure, Cahuzac est une fripouille et Plenel est un monstre.» Je fais confiance à Pascal. Je le crois. J’ai pas envie de lire des trucs là-dessus, je suis tellement las de tout ce fatras…

Patrick étend le linge.

La citation du jour: «“Bourdivino-camusien”? Le plan de construction doit être assez complexe…»

Si je comprends bien une assurance-vie c’est une assurance sur la mort…

À l’attention de mes ami jansénistes: «Port Royal est blanchi par une enquête interne» (EC). (Encore un coup du jésuite François?)

Léo (une de mes amies les plus chères):
«Mais si tu meurs, qui me préviendra?
— Tu n’auras qu’à consulter Facebook.»

Patrick est une bamba triste.

La citation du jour: 
«On peut être un peu surpris d’une telle profondeur métaphysique chez un peintre (alors de 23 ans) insouciant et bohème avant la lettre (et, paraît-il, plutôt porté sur la boisson).»

Le pape, c’est réglé, son compte est bon (quel salaud çui-là, et en plus jésuite); Moïse, il n’a jamais existé, bon! Christophe Colomb il n’a pas découvert l’Amérique, OK, c’est les indiens ou les vikings; Jésus, il a pris son dernier repas un mardi soir et pas un jeudi soir, ouais, avec Pilate en plus! Shakespeare, on sait depuis longtemps; saint Patrick, pendant une décennie ils étaient plusieurs, pendant la décennie suivante, il n’a pas existé, aux dernières nouvelles, il est de Touraine. J’attends avec impatience la démythification de demain matin.

Naguère, lorsqu’il venait à la maison, le docteur D consultait L’Écho républicain, rubrique “nécrologie”:
«Vous vérifiez s’il n’y a pas le nom d’un de vos clients?
— Hé! Ça fait partie de mon travail!»

La citation du jour est de Guilaine: «Beaucoup de gens sont illetrés. J’ai travaillé avec des hommes politiques, je sais ce que c’est.»

Je suis écolo. J’ai failli me faire écraser par une voiture électrique. J’ai lu quelque part que ces véhicules étaient tellement silencieux qu’ils envisageaient de leur ajouter un moteur bruyant. Et soudain, illumination! j’ai eu l’idée du siècle. Il faut que ces voitures fassent le bruit d’une carriole ou d’une diligence, avec hennissement de chevaux, parfois claquement de fouet, et les cris du cocher: «Hue! Hue!»

Le Pape affiche sa fermeté.
Ça commence fort: il n’en fait qu’à sa tête et cite Léon Bloy.

«De quoi se fût-il plaint? Il comptait dans sa vie cinq ou six heures d’un bonheur effréné; n’est-ce pas la moyenne humaine? il avait son compte» (Martin du Gard).

Manquait plus que ça: mes amis jansénistes ne sont pas contents: «Pourquoi pas ne pas avoir élu Bellarmin pendant qu’on y était?»

Le précédent pape était nazi. Croyez-moi, Médiapart, Rue 89 et Golias, sont déjà sur le coup, ils ont fouillé les poubelles toute la nuit, ils vont bien trouver une ou deux compromissions avec la dictature argentine, même de loin, ça fera l’affaire.

J’adore les commentaires des articles du Monde, de Libération ce soir, comme à chaque fois tous les hystériques anticléricaux se déchaînent… C’est à croire que cette histoire de Dieu, ça les travaille en profondeur…

Arabie Saoudite: les exécutions par balles remplacent les décapitations 

La citation du jour: «François Ier? S'il prend ce nom-là, il va se faire assassiner…»

Un artiste contemporain se constitue prisonnier pour escroquerie. 

«Chavez dans le cœur des hommes
Sous sa forme mortelle avec des cheveux noirs
Brûlant d’un feu sanguin dans la vigne des hommes
Chavez récompense les meilleurs des hommes
Et rend à leurs travaux la vertu du plaisir
Car travailler pour vivre est agir sur la vie
Car la vie et les hommes ont élu Chavez 

Pour figurer sur terre leurs espoirs sans bornes.

Et Chavez pour nous est présent pour demain 

Et Chavez dissipe aujourd’hui le malheur 

La confiance est le fruit de son cerveau d’amour
La grappe raisonnable tant elle est parfaite.»
 (Jean-Luc Mélenchon).

Extrait d’un commentaire d’un article du Monde
«La grande masse des catholiques vit en totale contradiction avec ce que prêchent le pape et ses représentants les curés. Elle baise sans retenue, se masturbe, utilise des moyens de contraception, pratique l’adultère, divorce et déteste son prochain.»

Patrick  aimerait bien être plus jeune.

(on va encore me chercher des noises). On m’a fait comprendre que c’était carrément ce qu’il y avait de plus ultra-bobo-moyen-intelligentsia-mainstream, toujours est-il, oui, (j’ai honte mais j’ose), oui, euh… j’avoue (à moinss qu’après avoir mis un lien FN et un lien catho vous compreniez que je cherche à me dédouaner, et que, ne connaissant pas bien les codes et visant la mauvaise cible du côté opposé, je me fourvoie encore un coup — maladroit que je suis (mais que la vie mondaine est compliquée)!), oui, en catimini, juste avant d’aller au lit, oui, j’avoue, juste avant de couper internet (de peur d’affronter les quolibets) et d’aller finir de lire Sur les traces des chrétiens oubliés, oui, oui, oui, j’avoue: j’aime beaucoup Jaoui et Bacri.

Après cette semaine éprouvante et pour un peu la prolonger cherche sur qui nous pourrions bien pleurer en ce 2 mars… pas de nouveau mort en vue?
RIP Childebert II
RIP Lothaire
RIP Ladislas Ier le Bref


J’aurais de loin préféré mettre un lien du parti de Mélenchon, du PS, de l’UMP, du parti communiste, des situs, de l’Église catholique, de la Fédération anarchiste, de l’Association des maires de France, des écolos, de la Fédération protestante, du parti surréaliste, du Conseil français du culte musulman, de l’Oulipo (on va encore me chercher des noises)

Je n’ai rien contre, n’est-ce pas, mais permettez-moi d’avoir quelques a priori: le nouveau directeur de sciences-po est le secrétaire général de Canal+.

Dresser la liste de toutes ces personnalités vieillissantes dont on attend la mort avec impatience pour leur rendre un pur hommage digne de leurs hauts mérites, et pour pleurer toutes nos larmes de détresse face à la disparition de ces êtres d’élite si indispensables à nos vies, à notre terre, à l’univers, à la Pensée, à la Musique, etc., devant la disparition desquels nous allons nous sentir encore plus orphelins, désemparés, ayant perdu nos guides, nos maîtres, nos gourous, seuls, tout petits, abandonnés…



Le plus beau jour


«Demain fera un an qu’à Audaux je cueillais
les fleurs dont j’ai parlé, de la prairie mouillée.
C’est aujourd’hui le plus beau jour des jours de Pâques.
Je me suis enfoncé dans l’azur des campagnes,
à travers bois, à travers prés, à travers champs. 

Comment, mon cœur, n’es-tu pas mort depuis un an? 

Mon cœur, je t’ai donné encore ce calvaire
de revoir ce village où j’avais tant souffert, 

ces roses qui saignaient devant le presbytère, 

ces lilas qui me tuent dans les tristes parterres. 

Je me suis souvenu de ma détresse ancienne,
et je ne sais comment je ne suis pas tombé
sur l’ocre du sentier, le front dans la poussière.
Plus rien. Je n’ai plus rien, plus rien qui me soutienne.
Pourquoi fait-il si beau et pourquoi suis-je né?
J’aurais voulu poser sur vos calmes genoux 

la fatigue qui rompt mon âme qui se couche 

ainsi qu’une pauvresse au fossé de la route. 

Dormir. Pouvoir dormir. Dormir à tout jamais
sous les averses bleues, sous les tonnerres frais. 

Ne plus sentir. Ne plus savoir votre existence.
Ne plus voir cet azur engloutir ces coteaux 

dans ce vertige bleu qui mêle l’air à l’eau, 

ni ce vide où je cherche en vain votre présence.
Il me semble sentir pleurer au fond de moi,
d’un lourd sanglot muet, quelqu’un qui n’est pas là.
J’écris. Et la campagne est sonore de joie.
On entend les clochers qui appellent aux vêpres
et les grillons chanter l’heureuse paix champêtre.
On voit à l’intérieur pâle des métairies
les chapeaux de travail dormir près des tamis.

… Elle était descendue au bas de la prairie,
et comme la prairie était toute fleurie…»

Francis Jammes




lundi 25 mars 2013

Ces rameaux



Ma grand-mère n’allait jamais à la messe. Mais le dimanche des Rameaux elle exigeait son buis. Elle fichait les petites branches entre le corps du christ et le bois du crucifix qui était cloué au-dessus de son lit. Le rôle de ce buis était de la protéger toute l’année à venir, jusqu’aux Pâques suivantes. Au bout d’un an, il perdait ses petites feuilles racornies, on le mettait à la poubelle comme si, du coup, il avait perdu ses vertus apotropaïques. J’étais chargé de ramener de la messe le nouveau buis. Elle exigeait qu’il soit béni, elle aurait voulu que je lui jure qu’il avait bien été béni par le curé. Très vite j’ai un peu méprisé cette superstition, mais je n’allais pas mentir sur un pareil sujet, ç’eût été sacrilège: je veillais donc bien chaque année à la bénédiction du buis de “mémé”.


La messe à Mazargues



«Le christianisme est une religion exotique au pays du riz et du vin de palme puisque c’est la religion du pain et du vin de vigne.» Il me semble qu’encore une fois Valéry se trompe. La religion, «catholique», est beaucoup plus souple qu’il l’imagine. L’exemple du buis qui remplace les branches d’olivier dans les pays du Nord le montre. On pourra toujours m’objecter que cela n’a pas la même importance, que cette affaire de branchages n’est pas centrale dans le rituel comme le sont le pain et le vin. Mais je ne vois pas que l’Église ne puisse s’accommoder de donner la communion sous forme de vin de palme et de boulettes de riz, ou autre (j’espère que je ne bascule pas dans l’hérésie).
Bref, à Marseille, aux Rameaux il s’agissait de branches de lauriers (ou d’oliviers, je ne suis pas sûr de mon souvenir), et en grande quantité, à foison. Mais ce que j’ai surtout retenu de la messe dans cette église pleine, où la circulation était constante, où les enfants chahutaient, où les adultes bavardaient à qui mieux mieux, s’apostrophaient d’une travée à l’autre, se disputaient ou riaient, commentaient le sermon à voix haute, quand ils l’écoutaient, ce que j’ai retenu c’est qu’à la fin de la messe nous nous sommes retrouvés debout au fond de l’église parce que des assistants avaient profité de la communion pour piquer notre place. Je connais des mauvais esprits qui commenteraient : «Ça, c’est Marseille!»


La mort de Julien Green



Elle se tenait derrière le chevet du lit et me dit soudain : «Partez.» Je ne bougeai pas. «Elle descend: 6 – 5», me dit-elle. Elle et son assistant me regardèrent tristement quand je demandai: «Ça veut dire quoi?» Ils ne répondirent pas: pour eux je ne savais donc rien de rien.
La réponse vint par une respiration très forte, suivie de plusieurs autres. Je parlai à Julien, «je suis là», je pris sa main et, comme s’il m’écoutait encore, sa respiration faiblit. Mais de nouveau il y eut une grande, une énorme respiration, forte, interminable. Le souffle dura, s’amenuisa jusqu’à un long soupir, je ne sais combien de temps cela dura, car le temps pour moi disparut tout à coup. Et il y eut le silence.
«Oui, murmura l’infirmière.
Je posai la main sur la poitrine de mon père.
— Non, dis-je presque triomphant, j’entends son cœur battre.
— C’est le vôtre que vous entendez», me dit-elle.
Eric Jourdan, in J. Green, 
Le Grand Large du soir, page 291


dimanche 24 mars 2013

« C’est une manifestation… »



Je m’autocensure. Pour une fois je sens que j’ai raison. Et justement je ne veux pas discuter. Parce que je n’ai pas réussi à écrire précisément ce que je ressens, à exprimer mon opinion dans des termes clairs, ou encore plus exactement à cerner, à distinguer ce que je pressens, plus par intuition que par un raisonnement logique. Parce que c’est avec mes plus proches. Que je ne convaincrai pas, que je ne sais convaincre. Et parce que je n’y attache pas une telle importance, et que je suis très persuadé que le temps fera son œuvre. Allez, va ! on en reparlera dans dix ans…
La seule chose que je voulais dire est que chacun voit midi à sa porte. Alors que certains imaginent de l’agressivité du côté où je ne discerne qu’honnêteté et mesure (et encore ce dimanche), j’ai cru ne voir, dans l’autre parti, pendant ces trois longs mois, que hargne et mépris — et l’écœurant triomphe du vainqueur.


La messe interdite


Pour Françoise la messe était un agrément, et une évasion, dans les jours mornes qui faisaient sa vie. L’église du village était le seul endroit où elle pouvait retrouver ses amis d’enfance. L’heure de la messe était la seule heure de liberté après une harassante semaine de travail.
Sa belle-famille était anticléricale, typiquement rad-soc comme on l’était dans le Sud-Ouest. Elle en voulait un peu à son époux, mais pas trop, elle n’était pas une rebelle, elle avait renoncé: «Il ne veut pas que j’y aille.»


samedi 23 mars 2013

Le léopard des neiges


«Mais ce jour ne nous rendra pas les choses que nous avons aimées : les journées hautes et claires et les calottes de glace bleue au sommet des montagnes; les rangées de peupliers blancs palpitant dans le vent et les longs drapeaux à prières blancs; les champs d’asphodèles qui suivaient les tulipes; ou les moutons à queue grasse tavelant les collines au-dessus de Chakcharan et le bélier à la queue si grosse qu’il lui fallait un chariot pour la traîner. Nous ne nous allongerons pas sur le dos au Château rouge pour observer les vautours tournoyer au-dessus de la vallée où fut tué le petit-fils de Gengis Khan. Nous ne lirons pas les Mémoires de Babur dans son jardin à Istalif et ne verront pas l’aveugle qui y trouve son chemin grâce à l’odeur des buissons de roses. Ou nous ne nous assiérons pas dans la paix de l’islam avec les mendiants de Gazar Gagh. Nous ne monterons pas à Banyan sur la tête du Bouddha, debout dans sa niche comme une baleine en cale sèche. Nous ne dormirons pas sous le tente des nomades et n’escaladerons pas le minaret de Djam. Et nous perdrons les goûts : le pain chaud, amer et grossier; le thé vert parfumé à la cardamome; les raisins que nous rafraîchissions dans la neige fondue; et les noix et les mûres séchées que nous mâchions contre le mal des montagnes. Et nous ne retrouverons pas la senteur des champs de haricots, ni l’odeur résineuse du feu de déodar, ni les effluves passagers d’un léopard des neiges à quatre mille trois cents mètres d’altitude.»
Bruce Chatwin, dernier paragraphe
de «Complainte pour l'Afghanistan»,
préface à Robert Byron,The Road to Oxania.


« Que voudrais-je revoir ? »


Trouvé dans l’agenda de RC:

«Que voudrais-je revoir? Peut-être les jacinthes du Mont-Noir ou les violettes du Connecticut au printemps; les oranges astucieusement suspendues aux branches par mon père dans un jardin du Midi; un cimetière en Suisse, croulant sous les roses; un autre sous la neige et parmi les bouleaux blancs, et d’autres encore dont je ne connais même pas l’emplacement, ce qui après tout n’importe pas. Les dunes, tant en Flandre que plus tard dans les îles-barrières de Virginie, avec le bruit de la mer qui dure depuis le commencement du monde; l’humble petite boîte à musique suisse, qui joue pianissimo une ariette de Haydn, et que j’ai fait marcher au secret de Grace, une heure avant sa mort, au moment où les contacts et les paroles ne l’atteignaient plus; ou encore de longues coulées de glaçons sur les rochers de Mount-Desert, le long desquels, en avril, l’eau trouve sa pente et rejaillit aavec un bruit de source. Le cap Sounion au couchant; Olympie à midi; des paysans sur une route de Delphes, offrant pour rien à l’étrangère les sonnailles de leur mule; la messe de la Résurrection dans un village d’Eubée, après une traversée nocturne, dans la montagne; une arrivée matinale, à Ségeste, à cheval, par des sentiers alors déserts et pierreux et qui sentaient le thym. Une promenade à Versailles, par un après-midi sans soleil, ou ce jour, à Corbridge, dans le Northumberland, où couchée au milieu d’un champ de feuilles envahi par les herbes je me suis laissé passivement imprégner par la pluie comme les ossements des morts romains...»
Marguerite Yourcenar


jeudi 21 mars 2013

Timing


De neuf heures à onze heures: sport (y compris l'aller-retour en auto, la douche, habillage, déshabillage)
De onze heures à midi et demi: hôtel-Dieu
De deux heures de l’après-midi à trois heures: sieste (je dors beaucoup)
De quatre heures et demie à six heures et demie, sept heures: hôtel-Dieu
Après neuf heures du soir, je me retire dans ma chambre, je me retrouve avec moi-même


lundi 18 mars 2013

La mort de Lacan


«Avant l’opération, Lacan récrimina contre les piqûres et manifesta une grande irritabilité face aux infirmières. Puis il sembla se porter à merveille pendant quelques jours. Mais, brusquement, la suture mécanique se rompit, provoquant une péritonite suivie d’une septicémie. La douleur était atroce. Tel Max Schur au chevet de Freud, le médecin prit la décision d’administrer la dose de morphine nécessaire à une mort en douceur. Au dernier instant, Lacan le fusilla du regard.»
Élisabeth Roudinesco, Jacques Lacan, éd. Fayard, p. 525


dimanche 17 mars 2013

Encore un peu lié au monde



Une Américaine à Paris : l’art du vagin en France.

Pôle emploi et ses indus.

Une belle carte : les langues parlées aux États-Unis.


La nouvelle qui donne de l’espoir : dans le Maryland, 18e État. (Peu à peu.)

Enfin, un blog inconnu, mais le billet du jour m’a fait sourire. Dans la foulée l’auteur est devenu un ami fb.


vendredi 15 mars 2013

Les noms, la cohérence


Le docteur Silly: «Je pars en vacances. À partir de demain votre mère sera soignée par le docteur Destouches.»


mardi 12 mars 2013

Mère


«Notre mère, à laquelle nous pensons sans cesse depuis qu’elle nous a quittés, qui est présente en nous à tous les moments de notre vie, nous ne doutions pas de faire beaucoup pour elle, quand elle ne fut plus que cette vieille femme lourde, tourmentante et tourmentée, si nous lui donnions un mois de nos vacances. Nous n’aurions pas voulu vivre avec elle, et nous le lui laissions entendre; et si nous y avions été contraints, ce n’eût pas été sans gémir. Maintenant, si elle revenait, comme elle revient quelquefois la nuit dans mes songes, je serais de nouveau l’enfant assis sur un tabouret tout contre sa robe, et il me semble que le jour serait trop court, que je n’épuiserais pas le simple bonheur de la regarder.»
François Mauriac


Vertige des années


Madame Lecomte, la voisine de ma mère, 90 ans, m’a raconté cette après-midi que son père, né en 1870, n’avait appris ni à lire ni à écrire, tandis que sa mère, née dix ans plus tard, avait été à l’école grâce à la loi de 1882. 

(Dimanche 17: je découvre que madame Lecomte écrit doucement, posément, méthodiquement, au crayon de papier dans un petit carnet à spirales carré, ses souvenirs de lointaine enfance.)


mercredi 6 mars 2013

Les royaumes


«There are only two Kingdoms: the Kingdom of God and the Kingdom of Kerry — One is not of this world and the other is out of this world.»

Nuit blanche


«laisse-toi bercer par l’heure, par la vie incompréhensible»


lundi 4 mars 2013

Déshabiller ces dames


Madame Deuxpieds est une des rares pensionnaires valides, je l’ai déjà dit. C’est le genre de femmes qui ont mené une vie dure, toujours à la tâche; elles ne savent pas rester inactives. Elle aide les autres, elle débarrasse à table, elle range les fauteuils qui traînent dans le couloir, elle va chercher des “secours” au besoin. En plus je crois qu’elle a bon cœur. Elle est aux petits soins pour sa voisine de chambre qui est totalement impotente d’esprit et de corps. Un fardeau.
Madame Deuxpieds m’apostrophe dans le couloir:
«Vous pourriez m’aider à lui enlever son pantalon?
— Ah non Madame Deuxpieds, je ne suis pas ici pour cela, ce n’est pas mon rôle.
— Alors c’est quoi votre rôle?
— Mon rôle c’est de rendre visite à ma mère et de vous saluer quand je vous croise dans le couloir.
— Ah bon.»
(Je dis ça gentiment, elle le prend avec le sourire.)
Je suis tout de même allé dans leur chambre pour essayer d’enlever la barre horizontale du lit, mais je n'ai pas réussi. Pas infirmier, je ne suis non plus ni bricoleur — ni malin.

(Deux dimanche plus tard: madame Deuxpieds exagère. Cette fois elle me demande de réparer sa télé. Ce que je fais bien volontiers. Mais cela ne dure pas deux minutes. Elle me congédie vite comme un employé incompétent: «Laissez, je demanderai aux infirmières.» Ah! Elle ne doute pas que je sois capable de mettre au lit sa voisine mais croit que les infirmières seront plus qualifiées que moi en matière de télé!)


Ma propre position…


«Ma propre position dans le ciel par rapport au soleil ne doit pas me faire trouver l’aurore moins belle.»
André Gide


«Je pense à Barthes, bien sûr, je pense à Aragon, je pense aussi à Jean Puyaubert. Flatters et moi, nous pressions Jean Puyaubert de voyager avec nous, de venir me voir à Rome, d’aller en notre compagnie à Londres et à Venise pour y assister à des expositions du Caravage ou de Titien. Il paraissait accepter ces projets quand ils étaient lointains, mais toujours il se dérobait à eux au dernier moment. Un jour, comme nous roulions en automobile dans Paris, lui et moi, nous fûmes arrêtés par un embarras de voitures au bas de la rue Saint-Jacques. Et dans la voiture qui était à côté de la mienne il y avait trois ou quatre garçons très gais, jeunes et beaux, qui peut-être me connaissaient de vue et qui se mirent à me faire, à “nous” faire, de grands sourires, comme si nous avions pu, eux et moi, descendre de voiture et nous envoyer en l'air au beau milieu de l'embouteillage. C'était très chaleureux et drôle. Cependant Jean Puyaubert dit simplement: “Voilà pourquoi je ne veux pas aller à Londres avec vous.” Et bien entendu je ne comprends “complètement” cette parole qu'aujourd'hui.»
RC


dimanche 3 mars 2013

Outragé, méprisé, moqué


(Merci à V. On trouve ce texte sur le site Belgicatho, entre autres.)

«Ce 1er mars, Plantu a offert au journal l’un de ses dessins les plus réussis, avec pour noble sujet, que dis-je, pour dégueulis à l’usage de bobos retardés, le pape Benoit XVI, aviné, devant sa télé, soutane retroussée, journal porno à ses pieds, pizza sur la table, télécommande en main, fin prêt pour une retraite bien salée. Rien de bien nouveau sous l’ombre du Monde! Et comme Plantu ne croit sans doute pas en Dieu, ou du moins, en l’honnêteté de ceux qui le représentent, on peut penser, sans crainte de se tromper, qu’il est allé, pour dessiner son chef-d’œuvre, chercher son inspiration dans son propre monde intérieur, ce qu’on ne saurait lui reprocher, puisqu’il est de vérité que l’on ne décrit bien que ce que l’on vit soi-même. Et à en croire les as du crayon, c’est encore plus vrai pour le dessin. Toutefois, malgré l’offense qui est ici recherchée sous un humour de pissotière, sans grand effet, d’ailleurs, et j’en suis sûr, sous la fierté pour l’artiste de railler au nom de la liberté d’expression qui bon lui semble, il convient tout de même de remercier ce grand dessinateur qui, sans le savoir, vient de servir magnifiquement la cause de l’Église en honorant de son œuvre unique l’une des plus grandes vérités que l’Évangile ait révélée au monde, à savoir que l’outragé, le méprisé, le moqué, finit par gagner la partie. Le Christ en tête, avec sa couronne d’épines, son manteau d’opérette, son roseau de sceptre, et derrière lui, la foule des humiliés, aujourd’hui sur les autels, pour avoir tenté d’aimer jusqu’à la démesure l’humanité tout entière, y compris les Plantu, l’ont parfaitement démontré. On ne saurait donc que trop conseiller à ce bon dessinateur et, puisque j’y suis, au Monde, de continuer avec élan leur approche irrespectueuse et parfois ordurière de nos Pères, de manière à consolider la foi catholique dans les esprits insoumis qui, grâce à leur art d’écrire et de dessiner, sont de plus en plus nombreux ici-bas. Plantu, vous vous êtes planté!»


Les liens du dimanche


Les six tracts de la Rose blanche.

Le film de Mauricio Kagel, Ludwig Van (1969), en intégrale.

L’entretien de Pasolini avec Ezra Pound.


J’ai plusieurs fois essayé de lire la “Pléiade” Dante, mais je trouvais cette traduction insupportable.

Et puis… (je suis le genre de type qui est prêt à changer d’avis)

«Difficile de dire tout le bien qu’on voudrait de cette composition extraordinaire, de toute une vie, sans cesse reprise, sans cesse améliorée, où sont conjuguées une érudition totale et une très grande beauté formelle. André Pézard n’a pas traduit la Comédie “en français” : il a transposé tutto Dante (sa Vita Nova, ses rimes diverses, son Banquet, son De Vulgari Eloquentia, sa Monarchie, ses épîtres et ses églogues, ses mystérieuses Querelles de l’eau et de la terre, enfin sa Comédie) dans une langue qui n’existait pas et qu’il a par conséquent inventée.» Antoine Bréa.

Je l’aimais beaucoup, elle était tellement touchante. Un jour elle s’est suicidée: Christine Pascal


***
Le bel événement qui me donne de l’espoir : Montaine Fleurier a passé quatre années solitaires à peindre à fresque l’église de son village : Nançay
***


Et, via V, avant qu’on n'en parle plus, parce qu’ils l’auront oublié aussi vite qu’ils se sont précipités pour l’encenser, une dernière opinion sur Hessel.

Et enfin: des étudiantes tunisiennes qui n’aiment pas les islamistes.