mercredi 24 décembre 2014

Extraits balzaciens


«Grévin, maire d’Arcis sous l’Empire, serviable pour tout le monde, avait, durant l’exercice de son ministère, concilié, prévenu beaucoup de difficultés. Sa rondeur, sa bonhomie et sa probité lui méritaient l’estime et l’affection de tout l’Arrondissement, chacun, d’ailleurs, respectait en lui l’homme qui disposait de la faveur, du pouvoir et du crédit du comte de Gondreville. Néanmoins, depuis que l’activité du notaire et sa participation aux affaires publiques et particulières avaient cessé; depuis huit ans, son souvenir s’était presque aboli dans la ville d’Arcis, où chacun s’attendait, de jour en jour, à le voir mourir. Grévin, à l’instar de son ami Malin, paraissait plus végéter que vivre, il ne se montrait point, il cultivait son jardin, taillait ses arbres, allait examiner ses légumes, ses bourgeons ; et comme tous les vieillards, il s’essayait à l’état de cadavre.»

«Il y a toujours des loups là où il y a des moutons.»

«Petit logement de soixante-dix francs par mois, pouvant convenir à un ecclésiastique. On veut un locataire tranquille; il trouverait la table, et l’on meublerait l’appartement à des prix modérés en cas de convenance mutuelle. S’adresser rue Chanoinesse, près Notre-Dame.»

«Pour ceux à qui les hasards de la vie ont permis de courir le monde, il est dix souvenirs de pays sans rivaux: la Vilaine, Venise, l’île Saint-Pierre, Interlaken, la Limagne vue du puy de Dôme, la baie de Naples, le lac de Côme, le Désert, le Rhône, la descente du Simplon.»

«Les gens de bas étage ne pardonnent jamais.»

«Lorsque je vois un nuage d’argent courir sur ce ciel bleu, alors je voudrais prendre mon essor dans le monde comme lui dans les cieux, quitte à me dissiper en fumée légère, comme lui. En voici un qui passe, vois-le, il est noir comme mes cheveux, il se dore à ses extrémités, comme il se balance, le voilà rouge foncé, violet, et le blanc commence à pénétrer dans sa masse, il éclate maintenant de blancheur, comme une voile neuve de vaisseau. Il s’enfuit et va réjouir le firmament et régner dans les airs — quelles admirables nuances. Un rayon bleu perce le sommet et pare sa tête joyeuse — quelle belle vie!… je voudrais être ce nuage.»

«— laissez-nous être heureux, répondit-elle. Dieu nous sauvera de nous-mêmes!»

«Il y a cela d’admirable chez les femmes qu’elles ne raisonnent jamais leurs actions les plus blâmables, le sentiment les entraîne; il y a du naturel même dans leur dissimulation, et c’est chez elles seules que le crime se rencontre sans bassesse, la plupart du temps elles ne savent pas comment cela s’est fait.»

«“Quand on fait l’amour on ne fait pas de visite.”»

«Semblables à des feux nuitamment allumés pour un signal de liberté, quelque lueurs légèrement pourprées passèrent par-dessus les montagnes dont les bases conservèrent des teintes bleuâtres qui contrastèrent avec les nuages de rosée flottant sur les vallons. Bientôt un disque de rubis s’éleva lentement à l’horizon, les cieux le reconnurent; les accidents du paysage, le clocher de Saint-Léonard, les rochers, les prés ensevelis dans l’ombre reparurent insensiblement, et les arbres situés sur les cimes se dessinèrent dans ses feux. Le soleil se dégagea par un gracieux élan du milieu de ses rubans de feu, d’ocre et de saphir. Sa vive lumière s’harmonia par lignes égales, de colline en colline, déborda de vallons en vallons. Les ténèbres se dissipèrent, le jour accabla la nature. Une brise piquante frissonna dans l’air, les oiseaux chantèrent, la vie se réveilla partout.»

«Voir tout cela en un clin d’œil, s’animer par l’envie de plaire, pencher mollement la tête de côté, sourire avec coquetterie, lancer un de ces regards veloutés qui ranimeraient un cœur mort à l’amour; voiler ses longs yeux noirs sous de larges paupières dont les cils fournis et recourbés dessinèrent une ligne brune sur sa joue; chercher les sons les plus mélodieux de sa voix pour donner un charme pénétrant à cette phrase banale…»

On trouve les textes ici.




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