samedi 9 février 2013

Un automne sans amour



J’étais tellement ivre que je ne pouvais plus tenir un verre à la main. On buvait la vodka dans des gobelets en carton mince et mou. J’étais assis par terre, la tête adossée au canapé, la bouche grande ouverte ; et mes amis, prévenants, me vidaient la Żubrówka dans la gorge. J’engloutissais le liquide d’une traite.
Plus tard dans la nuit nous sommes allés dans l’île prendre l’air. Ils m’ont traîné comme un pantin désarticulé — que j’étais. Nous étions tous éparpillés sur la pelouse au bord du fleuve. Chacun solitaire dans son monde.
J’ai arraché des touffes d’herbe.
De retour dans l’appartement j’ai vomi. R et MC étaient deux jeunes filles de vingt ans que je voyais pour la première fois. Elles ont nettoyé le vomi. Encore aujourd’hui je leur suis reconnaissant de ce qu’elles ont fait, et d’avoir accepté plus tard de me revoir. J’ai dormi sous la table, étendu à côté de R ; je lui tenais la main pour ne pas sombrer.

Quinze jours plus tard, à Bruxelles, ce fut au vin rouge dans la Petite Rue des Bouchers. Nous avons quitté le bar et j’ai couru dans la nuit comme un dératé le long des immeubles cossus, le long de vastes parcs ténébreux, franchissant les carrefours sans prendre garde à la circulation ; j’ai couru longtemps, à perdre haleine, aspirant peut-être à me faire écraser une bonne fois et qu’on n’en parle plus.
L’avenue était bordée d’opulentes villas bourgeoises disséminées dans de beaux parcs. Le feuillage des grands arbres était illuminé par les réverbères. Tout était désert, silencieux, serein. Je me suis effondré sur le large trottoir herbu. Ai-je vomi?
J’ai arraché des touffes d’herbe.
Mes amis avaient disparu. Une heure a passé. Rosemarie a été cherché la voiture, elle m’a hissé comme elle pouvait à l’intérieur. Plus tard, à Charleville, elle m’a bordé dans un lit d’enfant. Elle a parlé longtemps. Sa voix me berçait. Elle était une sœur de charité.



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