samedi 23 février 2013

Morale truffaldienne



«L’activité des hommes me paraît toujours puérile, complètement enfantine; je les vois dans les avions, c’est là que ça me démoralise, je ne vois que des hommes d’affaires avec des petites valises ridicules et je me demande toujours ce qu’ils vont faire. On sent bien que leur activité est dérisoire; tandis que l’essentiel, le mouvement de la vie continue, c’est à la fois la vie quotidienne dans ce qu’elle a de vraiment quotidien, la soupe à faire, la lessive, et en même temps la vie dans ce qu’elle a d’exceptionnel, qui est la continuité par les enfants, et tout ça, c’est la femme; alors finalement, tout ce qui se passe entre les deux — entre faire la cuisine et faire les enfants — ne sert pas à grand-chose.»


«Je ne fais rien […]. Je ne fais aucun effort dans ce sens-là car j’ai additionné des refus successifs, je voyais tout ce qui existe dans la vie comme une concurrence au cinéma, c’est-à-dire que je détestais le théâtre parce que c’était un concurrent au cinéma, mais pour la même raison je n’allais pas aux sports d’hiver, je ne sais pas skier, je ne sais pas nager, je ne sais rien faire; je n’irai pas regarder une course, ni un match, ni quoi que ce soit, parce que j’aurais l’impression de trahir le cinéma. Je n’aurais pas l’idée d’aller à la chasse, ni à la pêche, ni à quoi que ce soit. J’ai changé d’idée avec le temps, je suis plus tolérant, j’accepte que les autres aillent à la pêche, à la chasse, ou fassent du ski, mais moi-même je ne participe pas, non.»


Aline Desjardins, entretiens avec François Truffaut, 1971


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