dimanche 3 août 2014

Jeudi 3 août 2006


Hier donc Chartres, il m’embrasse comme s’il voulait me mordre, non, les poings tendus comme s’il allait me mettre un coup de canne. Et je crains ses coups, oui, car, pourrai-je, suis-je autorisé à répondre à ce vieillard qui est le plus insupportable de tous les vieillards que j’ai jamais connus.

Ma mère pareille à elle-même, je lui pardonne, je refuse de voir, qu’elle répète souvent les choses, «tu viendras mardi?», question posée trois fois, «tu as payé l’épicier?», question posée quatre fois, etc. Maman reste ma mère, jeune et belle éternellement. Que ma fille voie sa mère de cette façon toute sa vie voilà ce que je lui, ce que je leur souhaite. Ce que je me souhaite.

Culpabilité. Culpabilité et péché. Je n’ai pas tort d’éprouver de la culpabilité à ne pas pouvoir emmener ce mois mes enfants à la mer (ou ailleurs), car c’est un péché que de ne pas vivre au soleil à la lumière à la nature durant l’été, c’est un péché que de perdre son temps dans les villes. Je n’aime guère les villes désormais et préfère les solitudes, et je conviens que ces villes sont encore plus désespérantes quand, au mois d’août, elles sont vides d’hommes; elle sont faites pour une population nombreuse et la vacuité ne leur va guère, elles sont plus désertes que le désert. 
Culpabilité. Ai-je raison? Il n’empêche que j’éprouve le sentiment de les abandonner en août; avec ça la honte du père pauvre qui ne peut offrir quelques vacances à ses enfants. Il est vrai que pour m’ôter ce remords je vais envoyer mille euros à leur mère, des fois qu’elle avec eux et les autres partent, et si elle ne part pas, ne veut pas ou ne peut pas (car avec mille euros si elle ne peut compléter on ne va pas loin), elle trouvera toujours de quoi les dépenser. Mais je ne sais jamais, son silence étant tel (terrible), de quoi elle a besoin, dans quelle mesure elle dit la vérité. (Ce que je sais c’est qu’elle ne me dit jamais rien sinon pour geindre, se plaindre, se lamenter, ou alors comme la dernière fois pour m’envoyer une flèche empoisonnée.)
Culpabilité de ne pas être assez avec eux, culpabilité de ne pas être assez avec ma mère, culpabilité de ne pas être assez malheureux alors que leur mère l’est (je suppose qu’elle l’est), culpabilité de ne pas penser assez à Macaronie et Bidibulle alors que je pense à elles tout le temps, dix fois, cent fois plus qu’elles n’imaginent, culpabilité de ne pouvoir rien faire pour elles alors que ce sont elles qui refusent tout de ma part. 
Culpabilité de rire, de respirer, alors que peut-être (mais tout se joue dans ma tête) à la même seconde elles (ou leur mère) ne sont pas heureuses. Oui mais je n’ai pas tort d’avoir la culpabilité éternelle de les avoir menées là où elles sont, que si bonheur il y a ce n’est pas moi qui leur aurait donné, et que tout le malheur qu’il y a, lui, vient, indirectement sans doute mais fondamentalement, de moi, de mes agissements, de mes gravissimes sottises passées, et que je ne fais rien pour y remédier aujourd’hui, la seule excuse que j’ai, qui pour moi n’en est pas une, est que je ne peux absolument rien. Je ne peux absolument rien puisqu’elles refusent tout.

Je ne suis pas encore remis des «révélations» de Modigliani. Elle, au moins, manie sans mesure le tranchant de la vérité, elle ne dissimule pas, bien pareille pour cela à sa grand-mère (ma mère, pas ma belle-mère, elle qui à l’inverse, pareille à sa fille, tait les vérités, ou n’ose, ou ne sait les dire, mais question langue de vipère, est toujours prête à faire du mal en se faisant croire à elle-même qu’elle va faire le bien, que c’est pour le bien, le «bien»). Ma fille fréquentait Renaud, le poissonnier du super marché, son pourvoyeur de h, au demeurant garçon charmant, poli, personnalité sympathique, chaleureuse. Elle dit, et je la crois, qu’il n’y a jamais rien eu entre eux (dans notre société, on l’aura compris, quand l’on dit «rien eu» cela veut dire pas de «relation sexuelle»). Renaud vient d’être arrêté pour tentative de viol et violences et agression contre une femme dans le rer à quatre heures de l’après-midi entre La Folie et L’Étoile. Le poissonnier est en prison, ma fille a été témoigner à la police qu’il a toujours été correct, et moi je trouve cette histoire diablement louche. Dans l’attente de plus amples informations, je ne crois rien, je doute de tout.
Autre révélation de Modigliani ou plutôt de ma chère et adorée (je n’ironise pas) Ma-Belle-Mère-Chérie-Langue-de-Vipère […], etc.

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