On lui fait des bains de bouche avec du
Coca-Cola régulièrement parce que, puisqu’elle ne peut déglutir, sa bouche
s’assèche et, progressivement, s’emplit d’une sorte de matière gluante qui doit
être de la morve, je ne sais ?
À midi tentative infructueuse de lui
glisser quelques bribes de compote entre les lèvres. Ils sont quatre. La
doctoresse, deux infirmières, une aide-soignante,
apparemment il faut guetter, si jamais elle s’étranglait. Je pars. Dans la
foulée ils lui ont mis la sonde. Aujourd’hui ils ne lui donnent que de l’eau,
un genre de nettoyage d’estomac, demain ils commenceront à introduire tout ce
qui est utile, nourriture, vitamines, médicaments. Elle le supporte assez bien
mais.
(Ces jours : je lis Malègue, à la
maison je passe en boucle la Cenerentola.)
L’après-midi, c’est le cirque.
La voisine a de la visite: trois personnes. Mon frère est là avec sa femme et son fils. Et mon autre frère. Maman somnole, elle suit la conversation si bien que je suis obligé de les engueuler: ils doivent se taire devant elle, éviter de dire certaines choses.
La voisine a de la visite: trois personnes. Mon frère est là avec sa femme et son fils. Et mon autre frère. Maman somnole, elle suit la conversation si bien que je suis obligé de les engueuler: ils doivent se taire devant elle, éviter de dire certaines choses.
Ils restent enfermés longtemps dans le
bureau de la doctoresse. Premièrement, donc, ce que j’avais mal compris hier, il
est possible que les prochains jours survienne un autre AVC, notamment ce
qu’ils appellent un AVC massif. Deuxièmement, il n’est pas dit que son corps
accepte la sonde et la nourriture par là.
Décider d’arrêter, c’est-à-dire, clairement
la laisser mourir de faim, non dit le docteur, c’est son corps, c’est elle
qui ne veut plus… Bref. Elle dit que c’est elle qui décide de ne plus. On me demande,
on nous demande de prendre une décision insupportable à prendre dans un cas
comme dans l’autre.
La seule prière que je fais, sans arrêt,
toute la journée est «Seigneur que ta volonté soit faite».
Quand ils sont partis, à cinq heures du soir,
encore quatre viennent dans la chambre, ils s’enferment avec elle une bonne
demi-heure. Il s’agit de la mettre, elle et ses tuyaux, sur un lit provisoire,
puis d’enlever son matelas pour le remplacer par un matelas d’eau, parce que
bien sûr, en plus, les escarres menacent. Lorsque je rentre dans la chambre
elle est proprette, pimpante, bien éveillée, le corps assez droit sur le lit,
car, à cause de cette sonde qui du nez va à l’estomac, il ne faut pas qu’elle
soit couchée. Il n’y a plus personne, silence, ça lui convient mieux. Je
m’installe à côté d’elle. Bien vite elle se rendort, ou elle somnole, elle est
la plupart du temps entre les deux. Lorsque je pars à sept heures, elle ne me
dit pas au revoir, elle ne réagit pas à mes baisers.
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