En 1972 le 4 mars était-il un samedi ou un
dimanche? Qu’importe, ce fut et je m’en souviens.
Dresser la liste de ce
que je me souviendrai, je revivrai, êtres et événements, le jour de ma mort.
[…] assis sur le rebord de
la fenêtre à méditer sur les lointains souvenirs de nuits passées à
cette même fenêtre à regarder des heures les feux de circulation passer du vert
à l’orange au rouge puis à nouveau au vert en écoutant Verdi ou Tchaïkovski
avec J et E.
Un jour de 1958, avec ma grand-mère, mon frère et moi sommes allés voir la voie de chemin de fer à
Nanterre. Si j’avais eu un peu de lucidité j’aurais pu voir passer sur cette
même ligne cet homme de cinquante ans, le regard noyé dans ces souvenirs, qui
regarde ce petit garçon de dix ans un peu fasciné par ces trains métalliques
blanc-gris qu’il n’avait jamais vus.
Le petit garçon ne savait pas quelle vie il
allait vivre, à la fois commune, sans réelles tragédies (un père qui meurt tôt,
son épouse aimée qui ne veut plus de lui, des déboires financiers), avec ce qu’il
souhaitait à cette époque: de nombreux enfants, et circulaire: se
retrouver là, comme si tout avait été immobile, en l’an 2000, cette année qui
nous paraissait si lointaine et si inimaginable.
Le vieillard de quatre-vingts
ans sera-t-il toujours là à regarder du train les deux cafés, la pharmacie, à
penser c’est ici un jour qu’avec ma grand-mère en 1958 j’ai vu pour la première
fois cette ligne qui fut en 1834 (?) la première ligne de chemin de fer de
France.
[Elle] me dit que
ce sont les livres qui nous ont séparés. S, paraît-il, habite (déjà) avec
une autre femme, moi j’habite avec mes livres. Ne jamais habiter avec personne
d’autre que des livres…
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