« À la base se trouvait la peur. Il en
avait souvent discuté, en état de veille, avec le docteur Pardon, qui avait,
lui aussi, l’expérience des hommes et qui n’était pas loin de partager ses
conclusions.
Tout le monde a peur. On s’ingénie à
dissiper la peur des tout-petits avec des contes de fées, et presque aussitôt,
dès l’école, l’enfant craint de montrer à ses parents un livret scolaire qui
comporte de mauvaises notes.
La peur de l’eau. La peur du feu. La peur
des animaux. La peur de l’obscurité.
Peur, à quinze ou à seize ans, de mal
choisir son destin, de rater sa vie.
Dans sa demi-conscience, toutes ses peurs
devenaient comme les notes d’une symphonie sourde et tragique : les peurs
latentes qu’on traîne jusqu’au bout derrière soi, les peurs aiguës qui font
crier, les peurs dont on se moque après coup, la peur de l’accident, de la
maladie, de l’agent de police, la peur des gens, de ce qu’ils disent, de ce
qu’ils pensent, des regards qu’ils posent sur vous au passage. »
Simenon, La
Patience de Maigret
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