«On ne sait plus quand, mais une baleine a avalé Jonas, le prophète.
Une voix lui a dit d’en haut du ciel :
— Je t’en mangerai, moi, du prophète ! crache-moi ça tout de
suite !
Ça la rend malheureuse, de recracher son casse-croûte, la baleine,
mais elle a peur de désobéir. Trois jours, elle se demande que faire, et, le
quatrième, elle recache Jonas. Alors, pour la récompenser d’avoir bien obéi,
Dieu a rendu cette baleine immortelle.
Elle vit toujours. Horrible, énorme ; à force de vieillir elle a
le dos couvert de mousse et de broussailles. Personne n’y touche, tout le monde
sait bien que c’est la baleine de Jonas, et qu’à la suite de ça, elle doit être
immortelle.
Le seul qui ait voulu la chatouiller, c’est une tête brûlée, un
harponneur russe — voilà qu’il lui envoie un harpon sur le dos. la baleine se
retourne, et “hom” elle avale tout l’équipage. Et l’équipage, il continue de vivre
dans le ventre de la baleine, pour laver son péché. Celui qui l’a lavé, son
péché, la baleine le recrache, et il s’en va ermite au fond des bois : il
est rempli de sagesse, de par le ventre de cette baleine. Il prie, il se
réjouit au soleil de l’été qui ne se couche pas, il se réjouit de cette nuit
qui ne s’arrête pas, il se réjouit des justes et des pécheurs, il se réjouit de
la mort, quand elle vient le trouver…»
Evgueni Zamiatine
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