dimanche 15 décembre 2013

Une vie de mensonge



1. Notre Mouvement



Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses
Le jour est paresseux mais la nuit est active
Un bol d’air à midi la nuit le filtre et l’use
La nuit ne laisse pas de poussière sur nous

Mais cet écho qui roule tout le long du jour

Cet écho hors du temps d’angoisse ou de caresses
Cet enchaînement brut des mondes insipides
Et des mondes sensibles son soleil est double

Sommes-nous près ou loin de notre conscience
Où sont nos bornes nos racines notre but



Le long plaisir pourtant de nos métamorphoses
Squelettes s’animant dans les murs pourrissants
Les rendez-vous donnés aux formes insensées
À la chair ingénieuse aux aveugles voyants

Les rendez-vous donnés par la face au profil
Par la souffrance à la santé par la lumière
À la forêt par la montagne à la vallée
Par la mine à la fleur par la perle au soleil

Nous sommes corps à corps nous sommes terre à terre
Nous naissons de partout nous sommes sans limites



2. Zavis Kalandra


André Breton, 13 juin 1950:
« Il y a quinze ans sur l’invitation de nos amis les surréalistes tchèques, toi et moi nous nous sommes rendus à Prague […]
« si tu te rappelles, un homme qui passe, qui s’assoit aussi souvent que possible avec nous, qui s’efforce de nous comprendre […]
«Je pense que tu as retenu le nom de cet homme: il s’appelle — ou s’appelait — Zavis Kalandra. Je n’ose décider du temps du verbe puisque les journaux nous annoncent qu'il a été condamné à mort […]
«Toi à qui je connus longtemps ce respect et ce sens sacré de la voix humaine jusque dans l'intonation […]»

Eluard répond: 
« J’ai trop à faire avec les innocents qui clament leur innocence pour m’occuper des coupables qui clament leur culpabilité. »



3. Deux cents haut-parleurs


«C’est durant cette offensive que d’un poste d’observation sur le Grammos le poète français Paul Eluard lança aux troupe gouvernementales son appel répercuté par deux cents haut-parleurs. Il s'adressait, disait-il, à ceux qui “étaient contraints de servir un gouvernement qui ne les représentaient pas”, à ceux “qui étaient du côté des geôliers et des bourreaux”. Ils les invitaient à passer de l’autre côté de la barricade et les assurait qu’ils seraient bien traités et libres […]
Triste aventure de la candeur et de la bonne foi…»
Evángelos Avéroff-Tosítsas, Le Feu et la hache, Grèce 46-49




Je connaissais toute cette histoire. À vingt ans je savais par cœur ce poème que je trouve encore très beau. Je connaissais sa réponse à Breton, cette pure ignominie. Je savais le ridicule de cette équipée dans les montagnes du nord-est de la Grèce: ce sont les derniers soubresauts de la guerre, le peuple grec ne veut pas du communisme, il ne veut pas de cette servitude qu’Eluard appelle liberté. Mais je ne savais pas ce que rapporte José Corti.


4. Triste aventure de la candeur et de la bonne foi


«Écrivant ses mémoires, Eluard aurait-il mis, noir sur blanc, ce qu’il a fait plus que me donner à entendre; aurait-il dit qu’après la Libération il ne demeurait plus attaché à ses camarades que parce que, s’il avait perdu la foi (Parti, mon Parti), il ne se reconnaissait pas le droit d’ébranler la leur, leur seul soutien?»
José Corti, Souvenirs désordonnés


Ainsi, il n’y croyait même pas… 


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