dimanche 24 novembre 2013

L’oncle Jules



Je vais être exhaustif, écrire ici tout ce que je sais de lui, j’en sais si peu.
On l’appelait l’oncle Jules, mais c’était un oncle de ma grand-mère. Elle ne l’aimait guère : c’était un ouvrier ; il avait été anarchiste, pas vraiment le genre de la famille ! Son patron avait été très intelligent, dixit ma grand-mère, il l’avait nommé contremaître, et ainsi du jour au lendemain l’anarchiste devint un petit chef très arrogant, dur, «suppôt du patronat», qui se fit détester par tous ses anciens camarades.
Lorsque nous allions chez Robert, le cousin germain de ma grand-mère, donc le neveu de cet « oncle », on nous montrait une porte toujours fermée. Derrière vivait l’oncle Jules. Robert et sa femme, tous les deux très bons, avait recueilli ce vieux célibataire. Je n’ai jamais vu l’oncle Jules. Il ne s’est jamais montré, il n’a jamais entrouvert sa porte quand nous étions en visite, jamais nous n’avons entendu le moindre bruit. Je me demande s’il prenait ses repas avec Robert et Suzanne, je crois me souvenir que Suzanne les lui portait dans sa chambre. Quand j’étais petit, j’étais effrayé rien qu’à regarder cette porte qui cachait un tel mystère.
Un jour on nous a dit que l’oncle Jules était mort.
Comme je racontais cette histoire à Inês, elle m’a dit en riant : « Mais enfin, ton oncle Jules, il n’a jamais existé ! »

Parfois je crains de finir comme l’oncle Jules.




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