jeudi 16 août 2012

Premières fois (III)

Filles.
Je n’ai jamais été en avance. La première fois que j’en ai rencontré une, je me souviens fort bien, j’avais quatre ans, je m’en souviens fort bien parce que je me suis dit: «J’ai quatre ans. Est-ce que les filles peuvent aussi avoir quatre ans?». C’est dire comme j’ai eu très tôt le sentiment de leur “étrangèreté”.
La deuxième fois j’avais cinq ans, la voisine était une blonde bouclée déjà rondelette, nous allions à la maternelle main dans la main. J’ai arrêté de la voir le jour où j’ai surpris une conversation de mes parents: «Ils ne sont pas bien tenus dans cette famille, elle a les pieds sales.»
(Ensuite se déroulent de longues années parce que, à cette époque, l’école communale n’était pas mixte.)
La troisième fois, j’avais dix ans. Nous étions une bande de joyeux copains de mon âge. Nous passions nos journées à la plage. Il y avait là une incroyable petite créature de quatre ans de moins que nous qui nous tenait sous sa coupe. Nous ne nous baignions que quand elle en avait envie. Elle nous ordonnait de creuser d’énormes trous et de bâtir des châteaux plus hauts que nous: nous déplacions des tonnes de sable. Nous aimions cela. Elle était notre chef de bande. Elle nous aurait ordonné de tirer les sonnettes, de crever les pneus, de commettre des cambriolages que nous lui aurions obéi comme des toutous.
Mes relations avec les filles avaient mal commencé.

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